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l’investissait d’un caractère politique en la plaçant sous l’autorité d’un gouverneur et de deux sous-gouverneurs nommés par l’empereur.

Quoique le décret n’en dît rien, il est vraisemblable que dans la pensée de Napoléon ce nouvel arrangement intérieur de la Banque se liait à l’idée d’en faire un grand instrument de trésorerie, et même qu’il l’avait promis à M. Cretet, qu’il avait choisi pour gouverneur ; mais M. Mollien repoussant de toutes ses forces cette organisation du service de trésorerie, l’empereur, placé entre lui et M. Cretet, éprouva de l’embarras. Il résolut de faire débattre la question devant lui, dans les conseils de finances, par les deux antagonistes. La rapidité avec laquelle son intelligence s’emparait de tous les sujets qu’on lui présentait, discernait le vrai du faux, et se précipitait sur le point où gisait la solution, sembla lui faire défaut au milieu de ces détails sur les banques, car ce fut seulement après dix longues séances que la lumière se fit dans son esprit. À la fin, pressé par l’argumentation de M. Mollien, M. Cretet avait été obligé de reconnaître qu’il lui fallait des conditions semblables à celles qu’avaient eues les faiseurs de service, et par conséquent onéreuses au trésor ; il avait avoué qu’il comptait sur les fonds encaissés par les receveurs-généraux, c’est-à-dire sur des fonds appartenant au trésor, pour escompter les valeurs du trésor. Il ne trouvait pas non plus de réponse aux calculs de M. Mollien relativement à la médiocrité des moyens d’assister l’état que donnerait à la Banque l’accroissement de son capital ; tout ce qu’elle eût pu faire, c’eût été de prêter à l’état son supplément de capital, faisant la somme de 45 millions. Or elle entendait au contraire en garder la libre disposition. Si la banque d’Angleterre, à un moment donné, peut faire de fortes avances à l’état, c’est qu’elle a une très grande circulation de billets : il lui est donc possible d’admettre, lorsque le gouvernement le désire, une forte somme en valeurs du trésor dans son portefeuille, en lui remettant des billets de banque en échange, sauf cependant à diminuer d’autant les avances qu’elle aurait pu faire au commerce, et qui auraient aussi entraîné une sortie de billets, car lorsqu’elle donne d’une main tous ceux de ses billets que le courant des échanges comporte, il faut qu’elle cesse d’en fournir de l’autre. Mais la Banque de France, avec la modique somme de billets qu’elle parvenait à faire circuler, que pouvait-elle ? Et puis à Londres habituellement, quand la banque escompte peu, le commerce n’en souffre guère ; il lui reste le secours des escompteurs particuliers, qui sont en grand nombre et ont de vastes capitaux. Il n’en était pas de même à Paris en 1806. L’empereur donna donc raison à M. Mollien. Il jugeait aussi qu’indépendamment des conve-