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numéraire, en paiement des domaines que la caisse allait mettre en vente. Un premier bloc de 24 millions était alloué à 1806 ; les 36 autres millions étaient réservés pour les années suivantes. Les bons de la caisse d’amortissement eurent un plein succès. L’année d’après, la loi de finances en autorisa, pour la même destination, une émission supplémentaire de 10 millions, en y attachant un intérêt de 4 pour 100 seulement.

On convint aussi de modifier le régime des exercices en vertu duquel on avait indéfiniment affecté à chaque année, pour les dépenses à solder, les recettes qui pourraient lui appartenir. On pensa avec raison qu’il ne fallait pas avoir un nombre indéfini d’exercices ouverts. M. Mollien fit décider que l’on clorait tous les exercices précédens, y compris même celui de l’an xiii, moyennant l’allocation des 70 millions dont il vient d’être mention. Il fut même dit qu’à l’avenir on ne le laisserait plus courir les exercices que peu de temps au-delà de l’année dont ils portaient le nom. On se rapprochait ainsi du système actuel, qui clôture chaque exercice dans le courant de l’année suivante, et même bien avant la fin.

Mais la grande affaire de M. Mollien, ce qu’attendait surtout de lui l’empereur, c’était d’organiser le service du trésor de manière à se passer de ce qu’on appelait sous l’ancien régime les banquiers de la cour, de ce qu’on avait nommé depuis les faiseurs de service. Pour obtenir ce résultat si vivement ambitionné par Napoléon, M. Mollien n’eut qu’à mettre en pratique une idée simple qu’il avait exposée à M. de Barbé-Marbois. En administration comme en politique, le secret pour accomplir de grandes choses consiste le plus souvent à appliquer avec fermeté une idée simple. Les principaux embarras du trésor provenaient de ce que le montant des impôts n’était exigible des receveurs-généraux qu’après un délai qui allait jusqu’à dix-huit mois, tandis que presque toute la dépense devait être payée dans un laps de temps qui n’en excédait guère douze. Il fallait, pour balancer cette différence des échéances, que le ministre du trésor trouvât un moyen de se faire avancer une somme importante qu’on ne pouvait estimer à moins de 120 ou même 150 millions. À cet effet, on s’adressait à des banquiers ; mais en réalité ceux-ci ne faisaient à peu près autre chose que de prêter au trésor son propre argent, parce que, pour convertir en écus les obligations et les autres engagemens des receveurs-généraux, leur principal moyen était de s’entendre avec ces comptables eux-mêmes, qui devançaient toujours dans le recouvrement de l’impôt l’époque à eux fixée pour le versement au trésor. Ces sommes remises avant le délai fatal par les contribuables aux comptables, c’est le bien du trésor, avait dit M. Mollien à M. de Barbé-Marbois ; il ne s’agit pour vous que