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des domaines nationaux qui lui étaient transmis, la caisse se trouverait dans une position plus avantageuse qu’auparavant. Il dicta dans ce sens une longue réponse à la note de M. Mollien, et les deux décrets furent présentés au conseil d’état. Ils y obtinrent l’unanimité des suffrages, moins celui de M. Mollien, qui renouvela ses objections. Napoléon témoigna par son attitude et son langage qu’il était loin de prendre en mauvaise part l’insistance du directeur général.

Les difficultés du trésor s’aggravaient pendant ce temps, au-delà de ce que le public pensait et de ce qu’en avait pu découvrir encore le regard pénétrant de Napoléon. Les dépenses publiques avaient pris un nouvel accroissement. Le budget des recettes de l’an xii avait été évalué à 700 millions, toujours indépendamment des frais de perception et d’une partie des centimes additionnels établis pour les dépenses des localités, ce qui devait faire monter la charge des contribuables au-delà de 800. La dépense, estimée aussi primitivement à 700 millions, fut en réalité de 804, ce qui ne paraîtra point excessif, si l’on se rappelle les efforts qu’il fallut faire pour la flottille de Boulogne et pour l’entretien de nombreuses armées de terre et de mer. Il est vrai que les recettes, au lieu de 700 millions net, furent de 770 ; restait cependant un déficit qui, d’après les chiffres qui précèdent, aurait été de 34 millions. Cette année, pour augmenter les revenus de l’état, Napoléon consentit à l’établissement d’un impôt sur les boissons, qu’il avait repoussé jusqu’alors[1]. Ce fut à l’origine un droit unique et très faible, dont la perception s’assurait au moyen d’un inventaire dressé par les agens chez les récoltans de vins et de cidres, les distillateurs et les brasseurs de bière. Il était de 40 centimes par hectolitre pour les vins, de 16 sur les cidres, poirés et hydromels, et d’un droit analogue sur les liqueurs produites par la distillation ; mais ce n’était qu’un germe destiné à se développer bientôt. La loi du 24 avril 1806 y ajouta un droit du vingtième du prix à chaque vente et revente en gros, et un droit du dixième à la vente en détail. Un peu plus tard, le droit primitif dut même disparaître, parce que l’inventaire avait entraîné à sa suite l’invasion du domicile des citoyens dans un très grand nombre de départemens, surtout dans le midi. L’empereur put constater, pendant le séjour qu’il fit à Bayonne et à Bordeaux en 1808, combien c’était impopulaire. Une loi nouvelle supprima donc le droit d’inventaire ; elle abolit aussi le droit à chaque vente et revente en gros, qui excitait les plaintes du commerce. L’un et l’autre furent remplacés par le droit de circulation et le droit d’entrée perçu aux portes des villes et bourgs de plus de 2 000 âmes. La perception de

  1. Ce fut l’objet de la loi du 5 nivôse an xii (25 décembre 1803).