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une magistrature à vie le consulat, qui d’abord ne lui avait été donné que pour dix ans. Elle fit plus quelque temps après le renouvellement de la guerre, lorsqu’elle eut été alarmée sur la conservation d’une tête si précieuse par la formidable conspiration qui réunissait trois hommes étonnés de se trouver ensemble : George Cadoudal, Pichegru et Moreau, et dans laquelle trempaient le comte d’Artois et le cabinet anglais : elle rétablit la monarchie à son profit, avec la précaution, imitée d’Auguste, de substituer le titre d’empereur à celui de roi, et de ne pas abolir le nom de la république[1], dans l’espoir de concilier au nouveau régime beaucoup d’hommes honnêtes qui tenaient à ce qu’on s’écartât le moins possible des traditions de la révolution. À l’occasion de cet événement, cinq nouveaux conseillers d’état furent nommés, et M. Mollien fut l’un d’eux. Il en profita pour hâter l’adoption de quelques mesures de détail qui regardaient l’administration de la caisse d’amortissement. C’étaient des améliorations au régime des cautionnemens et à celui des consignations judiciaires, dont la caisse était chargée. À quelque temps de là, en sa qualité de directeur général de la caisse d’amortissement, il crut devoir présenter des remontrances contre deux actes qui opéraient un échange entre des titres de rente 5 pour 100 acquis par la caisse et les dotations en immeubles de la Légion d’honneur et du sénat. La caisse d’amortissement devait transférer environ 1 500 000 francs de rentes à la Légion d’honneur contre une masse de domaines nationaux estimés à 30 millions environ, et céder de même 1 700 000 francs de rentes au sénat contre 40 millions de pareilles propriétés. M. Mollien exposa que la caisse d’amortissement serait lésée, puisqu’on échange d’un revenu assuré, elle recevrait un revenu moindre et incertain par nature. Il fit aussi valoir que c’était remettre dehors des titres de rente que le public pouvait considérer comme définitivement retirés, et il pouvait espérer de trouver Napoléon sensible à ce dernier argument, car l’empereur attachait un grand prix à éviter autant que possible tout ce qui pouvait augmenter le montant de la dette constituée et à profiter de toutes les occasions pour la restreindre. À toutes ces raisons, Napoléon pouvait en opposer qui étaient pour le moins aussi bonnes. Il avait à dire qu’il lui importait de bien assurer le service financier de la Légion d’honneur et du sénat, et que le dommage éprouvé par la caisse d’amortissement n’était pas tel que les créanciers de l’état pussent s’en inquiéter ; qu’au surplus, en se défaisant, avec l’habileté dont son directeur général avait fourni tant de preuves,

  1. L’article ler du sénatus-consulte du 28 floréal an xii (18 mai 1804), qui donna à Napoléon le titre d’empereur, commence en ces termes : « Le gouvernement de la république est confié à un empereur qui prend le titre d’empereur des Français. »