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dans la Revue, et qu’il est bon de rappeler ici. La reproduction sexuelle n’a pour ainsi dire qu’un seul mode, la reproduction agame en a plusieurs, et chacun d’eux se retrouve également dans les deux règnes. Chez certains végétaux, à côté du bourgeon proprement dit, nous trouvons le bulbille, véritable bourgeon semblable à celui dont nous parlions tout à l’heure, mais qui se détache du parent et va se développer isolément, à peu près comme le ferait une graine. Ce bourgeon caduc, nous l’avons découvert nous-même chez la synhydre, animal assez voisin des corynes. Les algues inférieures se propagent par scission spontanée, et nous avons vu que les infusoires ne leur cèdent en rien à cet égard. Trembley a multiplié l’hydre par boutures artificielles autant et plus peut-être que les horticulteurs ne l’ont fait d’un végétal quelconque. Ainsi, pour animer la matière brute, qu’il s’agisse d’en faire une plante ou un animal, la vie obéit à une seule loi, emploie des procédés toujours les mêmes.

De cela seul nous serions en droit de conclure que dans les plantes comme chez les animaux la reproduction agame est un simple fait d’accroissement ayant pour résultat l’individualisation progressive et plus ou moins manifeste d’une partie du parent. L’observation directe confirme encore cette conclusion. L’individualité du bulbille, ou bourgeon caduc détaché de la tige où il est né, ne saurait être niée. Celle du bourgeon fixe n’a été reconnue que fort tard. Celle d’un bourgeon quelconque à son origine ne peut pas plus être reconnue dans une plante que sur l’hydre. Or, chez les plantes comme chez les animaux, l’accroissement a des limites ; la reproduction agame doit donc avoir les siennes, et dès lors pas plus ici que dans le règne animal elle ne saurait propager indéfiniment une espèce. Par conséquent, au bout d’un temps plus ou moins long, la reproduction par graines doit redevenir nécessaire ; par conséquent aussi, dans les plantes comme chez les animaux, cette dernière est seule une fonction de premier ordre, et la reproduction agame n’est qu’une fonction subordonnée. Il est presque inutile de faire remarquer combien les faits s’accordent encore ici avec les déductions de notre théorie[1].

Nous voyons donc reparaître chez les plantes ces cycles de reproduction que Steenstrup a le premier signalés chez certains animaux. Dans les deux règnes, ces cycles s’ouvrent par le développement d’un germe fécondé, c’est-à-dire dû au concours des deux sexes, embrassent un certain nombre de générations neutres et se ferment

  1. On comprend que je ne parle ici que de ce qui se passe chez le végétal abandonné à lui-même, et qu’il n’est en rien question des procédés artificiels de la multiplication.