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que les hasards du jeu et les artifices de l’agiotage. Ces dernières même s’expliquent comme conséquence d’un gigantesque mouvement d’affaires; elles ont un moyen de faire oublier leur origine : c’est de concourir avec empressement aux réformes utiles.

Dans les améliorations que l’on peut réclamer, il ne s’agit pas en réalité de sacrifices à faire par les compagnies : les changemens doivent leur profiter à elles-mêmes; mais il faut s’entendre sur le point de départ. Les vices signalés dans l’exploitation découlent d’une source unique, c’est-à-dire de cette tendance qui tantôt entraîne tout monopole à franchir ses limites, et tantôt le fait tomber dans la torpeur. Dès-lors la garantie contre les écarts du monopole doit être cherchée dans les conditions qui en règlent l’exercice, elle ne peut même se trouver que là. Plus le privilège est constitué sur des bases puissantes, et plus il suppose au-dessus de lui une autorité active et ferme. Aussi convient-il de se demander tout d’abord, et avant de chercher ce que les compagnies pourraient faire elles-mêmes dans leur propre intérêt, si l’état garde en main toute l’action nécessaire pour modérer au besoin leurs allures. C’est le meilleur moyen d’apprécier la valeur du régime légal imposé aux chemins de fer. Supposez un gouvernement qui ne conserverait pas les moyens d’assouplir les rouages rebelles et de rectifier un mouvement échappé de sa voie : ne rappellerait-il pas cette royauté d’autrefois que bravaient impunément les grands feudataires?

Les règlemens ne manquent pas en France à l’égard des compagnies. Ils abondent au contraire, et ils embrassent tout; mais rien de plus difficile à constater la plupart du temps que les infractions commises. La surveillance technique des chemins de fer, celle qui appartient directement aux ingénieurs, se trouve entre des mains très habiles sans doute; malheureusement dans cette autre partie de l’inspection qui constitue la surveillance administrative, l’expérience n’a pas toujours prévalu. Il aurait fallu trouver un personnel tout formé, ce qui n’était pas possible, lors même qu’on n’aurait pas dès l’origine négligé trop souvent de le rechercher. Quels que soient d’ailleurs les enseignemens acquis chaque jour, on est obligé de reconnaître qu’une grande partie des faits dont on se plaint aujourd’hui ne seront jamais atteints par la surveillance; mais, outre ce moyen de faire respecter les règlemens, l’autorité en a d’autres, et on verra que, s’il ne peut prévenir toutes les infractions, le régime légal appliqué aujourd’hui aux chemins de fer empêche du moins les abus graves et prolongés.

Parmi les facultés tutélaires réservées à l’état, il en est d’abord une dont la portée est immense, à savoir, la faculté de rachat à toute époque après l’expiration d’un premier terme de quinze ans.