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prévenance. Grâce à la haute habileté du corps des ingénieurs français, nos lignes ferrées sont les mieux construites du monde. Nulle part les installations accessoires ne sont aussi somptueuses. Ni en Angleterre, ni en Allemagne, les gares n’ont le caractère monumental des nôtres. En Belgique, le service des petites stations est à peine constitué, du moins pour les trains qui passent après le coucher du soleil; on y éclaire les voyageurs avec des torches brûlant en plein vent, qu’on allume au moment où le train arrive pour les éteindre à son départ. Chez nous, ces petites imperfections n’existent pas; mais on paraît se préoccuper beaucoup moins qu’ailleurs des égards dus au public. Cet oubli crée un grief dont on a raison de se plaindre.

Un dernier reproche adressé aux compagnies s’applique à l’insuffisance du matériel. Quoique aujourd’hui même il ne soit encore que trop fondé, il serait injuste d’y chercher un texte à récriminations. Les compagnies se sont trouvées dominées par des éventualités d’abord imprévues. Parfois la construction des lignes a marché plus vite que celle du matériel; parfois des prévisions jugées excessives ont été promptement dépassées. L’insuffisance s’amoindrit chaque jour par suite de l’activité déployée. Comme on sait maintenant à quoi s’en tenir sur les exigences croissantes du service, on serait impardonnable de se laisser surprendre une seconde fois.

Il ne faut point s’étonner, en fin de compte, que des abus se produisent au sein d’un mouvement aussi gigantesque, aussi rapidement réalisé. Ces abus d’ailleurs sont loin d’avoir égalé chez nous ceux dont se sont plaints et dont se plaignent encore nos voisins d’outre-Manche. Ils sont assez graves cependant, et ils entraîneraient bientôt des conséquences assez fâcheuses pour qu’on doive se préoccuper sérieusement d’y mettre un terme. Il en résulte la preuve que nos compagnies ne savent pas suffisamment se gouverner elles-mêmes, qu’elles ne sont pas complètement animées de l’esprit qui doit présider à leurs rapports avec le public. Elles ont rendu sans doute et elles rendent chaque jour des services, mais elles sont loin d’accomplir tout le bien qu’on est en droit d’en attendre. Il nous reste à rechercher maintenant quelles seraient les réformes et les améliorations à réaliser.


III.

Dès que nous estimons avantageux que l’exploitation des chemins de fer demeure confiée à des compagnies, nous devons naturellement souhaiter que ces compagnies soient prospères. C’est à cette condition seulement qu’elles peuvent s’acquitter de leur importante mission. Aussi faut-il garantir leurs intérêts bien entendus, mais en servant en même temps les intérêts du public. Toute amélioration