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express. Quelquefois aussi le service est réglé de telle sorte que les trains omnibus ne peuvent pas parcourir toute l’étendue d’une ligne en un jour. Il faut que les voyageurs couchent en route, ou qu’ils prennent un convoi de nuit[1].

La part faite aux trains express, quant au nombre des départs, est énorme, et tend à paralyser de plus en plus le mouvement des trains omnibus. Ainsi, en nous reportant aux tableaux du service des chemins de fer français tel qu’il est établi pour le printemps de 1856[2], nous trouvons que, de Paris à Nantes, à Bordeaux, à Lyon, on compte autant de trains express que de trains omnibus. Sur le chemin de Paris à Calais, il y a deux convois composés exclusivement de voitures de première classe, et un autre comprenant des voitures de première et de deuxième classe, pour deux seuls trains omnibus. Même exagération dans la différence sous le rapport de la vitesse. Ainsi le train express de Paris à Bordeaux, partant à 9 heures 10 minutes du matin, arrive le soir même à 8 heures 53 minutes, tandis que le train omnibus, dont on retarde le départ jusqu’à 10 heures du matin, afin de lui ménager le désagrément de la nuit suivante, n’atteint Bordeaux que le lendemain, à 4 heures un quart du matin. Une semblable différence se reproduit à peu près sur toutes les lignes, et l’effort constant paraît être de l’augmenter encore.

Il est visible que les inconvéniens d’un pareil régime retombent sur le grand nombre ; en voici d’ailleurs des preuves puisées dans les rapports des compagnies. En 1855, le chemin du Nord acompte, par chaque millier de personnes transportées, 889 voyageurs de deuxième et de troisième classe, et 111 seulement de première. Sur la ligne d’Orléans, la clientèle des voitures de première classe, malgré toutes les combinaisons mises en œuvre pour l’accroître, n’est encore, par

  1. En voici des exemples : sur le chemin du Centre, prolongé vers Clermont-Ferrand par une section du Grand-Central, tandis que les voitures de première classe, quittant Paris à 9 heures 40 minutes du matin, sont conduites directement à Clermont-Ferrand, où elles arrivent à 8 heures 50 minutes du soir, les wagons de troisième classe, partis le matin à 7 heures, s’arrêtent à Saint-Germain-des-Fossés, et ne peuvent repartir que le lendemain. — Sur le chemin du Nord, les faits sont encore plus significatifs. Jusqu’à ces derniers temps, le train omnibus, partant de Paris à 10 heures du matin, allait jusqu’à Quiévrain, sur la frontière beige. Le voyageur ne pouvait prendre de billets de troisième classe que jusqu’à cette station ; mais il y trouvait un train belge contenant des places de tout ordre, et il pouvait ainsi arriver le soir même à Bruxelles. La compagnie aura jugé que cette combinaison préjudiciait à ses trains express. Qu’a-t-elle fait ? Le convoi de 10 heures du main ne va plus jusqu’à Quiévrain ; il s’arrête à Valenciennes, où il arrive trois quarts d’heure après que le dernier train de la journée est parti pour la frontière, ce qui empêche les voyageurs de deuxième et ceux de troisième classe de se rendre de jour à Bruxelles.
  2. Comme les détails du service sont modifiés très fréquemment, trop fréquemment même, nous devons dire que ce sont ces tableaux qui ont servi de base à tous nos calculs.