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vue un luxe de combinaisons incroyable. On accumule les désagrémens pour la clientèle des humbles wagons. Tantôt les départs des trains contenant des voitures de toute classe, des trains omnibus, comme on les appelle, sont fixés aux heures les plus incommodes; tantôt c’est le moment de l’arrivée qu’on s’efforce de rendre gênant. Sur la route, les temps d’arrêt sont toujours multipliés, tandis qu’on n’assujettit qu’à un très petit nombre de stations les trains privilégiés, les trains express, qui ne comprennent que des voitures de première classe. De plus, il y a souvent des haltes inutilement prolongées et n’ayant d’autre but que de faire durer le voyage plus longtemps. D’autres fois la composition des trains est arbitrairement transformée pour telles ou telles stations. Un convoi parti avec des voitures de toute classe devient express en arrivant à telle ville, soit parce qu’il y passe à une heure trop commode, soit parce qu’il y reçoit le tribut d’un embranchement sur lequel on veut forcer les voyageurs à prendre les billets les plus chers. S’il s’agit de lignes aboutissant à la frontière, on gêne communément le plus qu’on peut, pour les trains omnibus, la circulation internationale.

Nous ne disons rien de la disposition intérieure des voitures de dernière classe. Dès que les wagons découverts ont enfin disparu, dès que les conditions de la plus stricte humanité sont à peu près remplies, il n’y a pas lieu de se montrer trop difficile. Certaines améliorations ont été déjà réalisées; tout en souhaitant qu’on en opère de nouvelles, nous respectons le droit des compagnies de maintenir une différence, sous le rapport du comfortable, entre chaque classe de voitures. C’est ainsi qu’on peut légitimement chercher à compenser la différence des prix. Chacun paie en définitive les satisfactions qu’il veut avoir; mais les compagnies ont-elles le même droit en ce qui concerne la vitesse? peuvent-elles en faire jouir quelques-uns au préjudice de tous? Cette question intéresse au plus haut point l’immense majorité des voyageurs.

Dans l’état des choses, on constate à regret une différence énorme, pour la durée du trajet, entre les trains composés exclusivement de voitures de première classe et les trains qui contiennent des voitures de toute catégorie. Sur quelques lignes, sur celle du Nord, sur celle de la Méditerranée par exemple, on associe les voyageurs de la seconde classe au bénéfice d’une vitesse moyenne, en créant ce qu’on appelle des trains directs, qui tiennent le milieu entre les trains express et les trains omnibus; mais sur la plupart des autres lignes, comme sur toutes celles composant le groupe de la compagnie d’Orléans, qui est une des plus dures dans son exploitation, sur celles de Paris à Lyon, de Paris à Strasbourg, les voyageurs de deuxième et ceux de troisième classe sont également sacrifiés. Le bénéfice du temps n’est réservé qu’aux seuls voyageurs des trains