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à s’occuper du tarif légal, tant les compagnies sont loin des maxima fixés d’abord un peu au hasard, avant qu’on eût l’expérience pour se guider. Les canaux seuls offrent une véritable économie sur les chemins de fer, car la moyenne des frais de transport, après avoir été longtemps beaucoup trop élevée, y est généralement descendue à un taux raisonnable, qui ne monte pas à 2 centimes 1/2 par tonne et par kilomètre; mais on sait qu’outre les inconvéniens qu’elles présentent par suite de la lenteur et de l’irrégularité de la marche, ces voies de communication sont encore entravées l’hiver par les glaces, l’été par la sécheresse. Le but que les chemins de fer doivent avoir en vue, c’est de se rapprocher le plus possible du tarif des canaux[1].

Si l’on excepte les voies navigables, la comparaison entre les chemins de fer et les autres modes de communication sous le rapport des prix est donc favorable au nouveau système. Cependant elle ne saurait prouver à elle seule que les réductions obtenues soient à la fois assez grandes et assez convenablement ordonnées. Lorsqu’une institution nouvelle est créée avec des privilèges considérables, il ne suffit pas qu’elle vaille mieux que telle ou telle institution ancienne; il faut encore qu’elle donne tous les fruits qu’elle est susceptible de donner. Nul n’oserait soutenir qu’il en soit ainsi des chemins de fer. Suivez l’action des compagnies: ces dernières n’usent que très rarement pour ne pas dire jamais, à l’égard des voyageurs, du droit qu’elles ont d’abaisser les tarifs au-dessous du maximum légal[2]. Pourquoi le transport des personnes est-il beaucoup moins dégrevé que celui des marchandises? La raison en est simple : les compagnies ne consultent guère que leurs intérêts et leurs convenances dans les abaissemens de prix. Ce qui les préoccupe avant tout, c’est de savoir si elles ont à faire face à une concurrence redoutable. Or, sauf des circonstances fort rares dont elles se dégagent bientôt, elles ne craignent point de rivalité sérieuse quand il s’agit des personnes. La vitesse, dont l’attrait est irrésistible, même réduite à son minimum, donne au chemin de fer un avantage incomparable sur tout autre système. Les compagnies exploitent largement cette supériorité.

Comme les marchandises s’accommodent presque toujours de certains délais, on est obligé d’abaisser les taxes pour réagir contre la concurrence. L’examen des diminutions introduites dans les tarifs

  1. La France possède environ 4,500 kilomètres de canaux qui n’étaient pas encore entièrement terminés au moment où les chemins de fer ont commencé à leur faire concurrence. C’était bien peu pour un pays embrassant 53 millions d’hectares; mais comme ces voies navigables se trouvent pour la plupart groupées sur quelques parties seulement du territoire national, elles n’en jouent pas moins un rôle important dans le mouvement comparatif des transports.
  2. On ne s’occupe pas ici, bien entendu, des trains exceptionnels appelés trains de plaisir.