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anneaux de la vaste chaîne continentale? Que lui importent, par exemple, toutes les lignes dirigées vers l’est et le sud de l’Europe? Ces prolongemens, affluens naturels des grandes voies de la France et de l’Allemagne, pourront même occasionner, dans le mouvement des transports, certaines modifications plus ou moins préjudiciables à la navigation anglaise, et susciter quelques inquiétudes d’un ordre politique. Nous nous en tiendrons pour le moment à cette conclusion, que l’ère des grandes exploitations ne déroule pas devant le royaume-uni des horizons aussi vastes que devant les autres états européens. Dans les îles britanniques, l’œuvre est achevée, et les chemins, en touchant aux limites du territoire national, sont arrivés au bout du monde, ad fines terrœ.

La meilleure condition que puissent rencontrer les chemins de fer, c’est d’avoir en face d’eux des pays à desservir, c’est de pouvoir attendre des prolongemens. Or telle est la destinée, tel est l’incomparable avantage de presque tous les chemins français, de presque tous les chemins allemands, en un mot des principales lignes de l’Europe centrale. Sur le continent, l’œuvre n’est pas encore à son terme, et déjà le réseau exploité enveloppe un grand nombre de peuples. Tous les états du centre de l’Europe sont en communication au moyen des routes ferrées. Le groupe réunit une masse énorme de forces et d’intérêts, forces animées par des inspirations diverses, intérêts dérivant de sources différentes. Non-seulement les chemins de fer relient entre elles les capitales de l’Europe centrale, ils sont poussés jusqu’aux villes les plus distantes les unes des autres. Ainsi les rails courent de Bayonne à Kœnigsberg, de Marseille à Hambourg, de Bordeaux à Varsovie, de Nantes aux lointaines cités de la Galicie. Ils joignent les bassins de tous les grands fleuves, de la Loire, de la Seine, du Rhône, du Rhin, de l’Elbe, de l’Oder, de la Vistule, et les voilà qui s’allongent vers le Niémen, le Dniester, le Pruth et le Bas-Danube.

Deux périodes bien distinctes se dessinent dans le mouvement qui rapproche ainsi les peuples. Si l’on veut prendre pour point de départ non de simples projets, mais des résultats positifs, il convient d’assigner le début de la première période à l’année 1846; la seconde date de 1851. C’est en 1846 que notre ligne du Nord met Paris en relation avec Bruxelles; c’est vers ce même temps que plusieurs capitales de l’Allemagne sont reliées ensemble. La Belgique mérite d’être citée dans cette première phase de l’ère des grandes exploitations. Comme elle avait su adopter de prime-abord une allure décidée, comme la configuration de son territoire lui rendait la tâche plus facile, elle avait été prête avant tout autre pays pour l’établissement des rapports internationaux. Cependant un intérêt encore plus vif s’attachait aux progrès des chemins germaniques,