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décrite M. Saars, il n’y a évidemment aucune distinction fondamentale. La forme seule des espèces, les lois de leur accroissement individuel suffisent pour expliquer les différences apparentes. Ainsi l’on passe de la simple croissance d’un mammifère au bourgeonnement le mieux caractérisé par des nuances insensibles, et tout nous ramène à cette importante conclusion, que le bourgeonnement et par conséquent la reproduction agame ne sont au fond qu’un phénomène d’accroissement.

Une fois placés à ce point de vue, nous comprenons très bien pourquoi la génération agame ne saurait être indéfinie. Dans tout animal, l’accroissement a des limites fixées d’avance. Si le bourgeonnement n’est qu’une forme de l’accroissement, il doit forcément avoir un terme. Il ne peut donc suffire à perpétuer les espèces. Dès lors l’intervention des sexes devient une nécessité à laquelle ne saurait échapper aucune espèce animale. Seulement, aussitôt que les sexes interviennent, l’œuf se montre comme élément de reproduction. Par conséquent les espèces les plus franchement fissipares, gemmipares, etc., devront, au bout d’un temps plus ou moins long, en revenir à la reproduction par œufs.

Une fois constitué, le bourgeon se développe comme le ferait un germe quelconque, et sous l’empire des mêmes lois générales qui transforment en mammifère, en oiseau ou en mollusque l’œuf du lapin, de la poule ou du taret. Dès-lors nous devons nous attendre à retrouver ici tous les phénomènes qui ont fait le sujet des premiers chapitres de cette étude. Que le bourgeon reste fixé comme chez l’hydre jusqu’au jour où le nouvel être n’aura plus qu’à grandir ; qu’il se détache à l’état de masse presque inorganisée pour tomber dans un organe spécial où s’accompliront ses évolutions subséquentes, comme chez les pucerons, ou pour être transporté au loin, comme chez la synhydre, il n’en présentera pas moins des transformations, des métamorphoses, comparables de tout point à celles que nous avons décrites, et le tourbillon vital qui lui donna naissance pourra seul lui faire acquérir ses formes, ses proportions définitives.

Ces considérations nous amènent à penser que la voie où nous nous sommes rencontré avec le docteur Carpenter est réellement la bonne. Sans invoquer aucune hypothèse nouvelle, cette manière d’envisager la généagénèse s’accorde avec tout ce que nous apprennent l’expérience et l’observation directes ; elle conduit des faits les mieux connus et les plus simples de l’accroissement aux phénomènes les plus compliqués et les plus récemment découverts de la généagénèse ; elle explique la neutralité de toutes les générations intermédiaires ; elle rend compte de la multiplication par les individus