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ou de l’autre ? Le catholique libéral qui cherche à concilier sa croyance avec la liberté politique et l’exercice philosophique de la raison, le puséyste qui a cherché à réconcilier l’existence de son église avec la tradition historique, le clergyman évangélique qui a cherché le terrain commun sur lequel peuvent se réunir les diverses sectes dissidentes, l’unitaire qui s’est préoccupé d’établir l’harmonie entre les principes du christianisme et les conséquences des doctrines allemandes, pourraient répondre à cette question et dire de quel prix ils ont payé leurs tentatives.

L’auteur de Perversion, M. Conybeare, anglican très décidé et connu déjà par plusieurs écrits religieux, entre autres un livre sur la vie et les épîtres de saint Paul, professe des opinions radicalement contraires à celles que nous venons d’exposer. Sa devise est fort singulière, c’est même une des plus audacieuses que nous ayons jamais vu exposer par aucun fidèle. Non-seulement M. Conybeare nous dit : « Hors de mon église point de salut ; » mais il dit : « Hors de mon église point de moralité. » Nous n’exagérons rien. Le ton modéré, doucereux, avec lequel ce livre est écrit ne peut nous abuser et nous empêcher de voir le bizarre fanatisme qui y est formulé. Les infidèles, les incrédules, les non anglicans en un mot y sont plaints en termes évangéliques : prenez garde, ces effusions cachent des sentimens qui ne sont point précisément ceux de l’amour ; latet anguis in herbâ. Une candeur superficielle y joue sur un fonds de malice très acre, comme une couche d’huile onctueuse qui s’étendrait sur une dissolution acide. Nous abandonnons à l’auteur les incrédules : en sa qualité d’anglican, il lui était permis de croire qu’un infidèle est capable de tous les crimes ; seulement nous lui ferons observer qu’il s’est chargé de se réfuter lui-même et de prouver que les incrédules ne sont pas aussi noirs qu’ils en ont l’air. Le plus intéressant de ces sceptiques pervertis par l’air du siècle, s’il a été facile à égarer, est plus facile encore à ramener, et il retrouve sa foi avec le secours d’argumens dont un enfant ne voudrait pas. La docilité de Charles Bampton, un des personnages de son roman, aurait dû plaider peut-être en faveur des incrédules. Toutefois nous lui livrons ces réprouvés pour qu’il les damne à merci ; mais que lui ont fait les fidèles des différentes communions ? que lui ont fait ses propres confrères en anglicanisme ? À quelle fraction de l’église anglicane faut-il appartenir pour n’être pas absolument un chrétien équivoque ? Puséystes et oxoniens, partisans de la basse église et de la haute église reçoivent également les flèches de M. Conybeare. Ce high churchman qui introduit dans sa paroisse des cérémonies qui sentent le papisme n’agit ainsi que pour éveiller l’attention sur lui, et il en est de même de ce membre du parti évangélique qui