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externe ou interne, fixe ou caduc, c’est que le tourbillon vital accumule les matériaux plastiques sur un point spécial au lieu de les répartir dans l’ensemble du corps. Ainsi toute génération agame se rattache à l’accroissement proprement dit.

Les faits ne manquent pas pour justifier cette conclusion, à laquelle conduit le seul raisonnement. Quand nous coupons la tête à un lombric ou la queue à un lézard, que voyons-nous paraître d’abord sur la plaie circulaire résultant de cette opération ? Un petit tubercule, un véritable bourgeon, où ne se distinguent d’abord ni nerfs, ni os, ni muscles, ni vaisseaux. Ce bourgeon augmente de volume, et au bout d’un temps donné, ces divers élémens organiques reparaissent ; l’animal reproduit les parties violemment retranchées. Voilà un premier degré de reproduction par bouture. L’hydre, qui peut être hachée, et dont chaque fragment reproduit un animal nouveau, nous montre cette faculté élevée à son maximum. Chacun de ces fragmens, avant de changer la forme accidentelle que lui a donnée l’opération, bourgeonne en tous sens, c’est-à-dire s’accroît. Voilà ce que nous enseigne l’expérience ; l’observation pure et simple conduit au même résultat, peut-être même est-elle plus démonstrative encore.

En effet, dans les études consacrées à la transformation et à la métamorphose proprement dite, nous avons montré comment se fait l’accroissement normal des animaux. Nous avons vu que ce phénomène se manifeste tantôt par l’augmentation du volume des parties, tantôt par la multiplication de ces mêmes parties. Or, dans ce dernier cas, il arrive souvent que chaque partie surajoutée réunit un ensemble d’organes qui en fait presque un individu. Chez les annélides par exemple, dans la plus grande étendue du corps, chaque anneau possède son centre nerveux, son appareil locomoteur, son système vasculaire, sa grande poche digestive, ses organes reproducteurs, le tout semblable à ce qui existe dans l’anneau qui précède et dans celui qui suit. Un pas de plus, et chaque anneau pourra se suffire à lui-même. Il ne lui manque, à vrai dire, qu’une bouche et des organes des sens. Dans les syllis, les myrianes, les naïs, etc., cette bouche s’ouvre, ces organes naissent sur un anneau spécial, il est vrai, mais qui se forme exactement comme tous les autres[1], et dès lors une individualité nouvelle prend naissance. Tous les anneaux placés en arrière de cette tête accidentelle lui obéissent. Entre ces phénomènes, que nous ne pouvons qu’indiquer rapidement, et la gemmation de l’hydre, celle du strobila, telle que l’a observée M. Desor, ou la segmentation du même être, telle que l’a

  1. Voyez le beau Mémoire de M. Edwards sur l’embryogénie des annelés dans les Annales des Sciences naturelles, 1845. Voyez aussi mon mémoire sur la génération alternante des syllis dans le même recueil, 1854.