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mère, et cela au même titre que l’enfant, qui fut d’abord embryon et puis foetus.

Mais du moment qu’entre la reproduction par œufs et la reproduction par bourgeons il existe des relations nécessaires telles que la première doit toujours être le point de départ de la seconde, il n’en est pas ainsi. Le germe primitif, l’œuf, formé et fécondé comme par tout ailleurs, acquiert, comme nous l’avons déjà établi, une valeur très supérieure à celle des germes secondaires qui n’en sont plus que les dérivés. Les relations de parenté, de père à fils, de mère à fille, ressortent comme n’existant réellement qu’entre les individus qui produisent de tels germes. Or que se passe-t-il chez l’aurélie par exemple ? De chaque œuf sort un animal unique d’abord, sans appareil reproducteur spécial, mais pouvant produire de toutes pièces, en les tirant comme de sa propre substance, un grand nombre d’individus. Chacun de ceux-ci se fractionne à son tour en un certain nombre d’autres, qui eux-mêmes acquièrent les organes caractéristiques des sexes, produisent et fécondent des œufs. Ces derniers venus sont seuls les vrais fils du premier parent ; mais ils sont plusieurs, et tous proviennent en définitive d’un seul œuf contenant un seul germe. Par conséquent l’unité et l’individualité de ce germe ont été multi pliées, c’est-à-dire en réalité brisées par le fait du développement. Les nombreuses aurélies provenant de l’œuf primitif unique ne sont plus que le produit indirect du germe que renfermait cet œuf ; elles ne sont que les filles médiates de leurs parens. Là est pour nous la différence fondamentale qui sépare la généagénèse de la métamorphose.

M. van Bénéden s’est placé à un point de vue plus modeste que celui de Steenstrup, d’Owen et de Leuckart. Le naturaliste belge n’a pas prétendu remonter à l’essence du phénomène ; il a été frappé avant tout de ce fait, que certaines espèces animales se reproduisent par un seul procédé, que d’autres emploient à la fois deux procédés distincts. De là sa division en animaux monogénétiques et en animaux digénétiques. De là aussi le nom de digénèse donné à l’ensemble des phénomènes reproducteurs qui s’accomplissent sans l’intervention des sexes. — Pour qui entre complètement dans les idées de l’auteur et ne cherche rien au-delà, cette expression est heureuse : elle traduit le fait en dehors de toute hypothèse ; mais d’une part elle n’a de signification que par son opposition au mot de monogénèse, appliqué par M. van Bénéden à la reproduction ordinaire, et d’autre part elle ne me semble pas indiquer suffisamment ce que présente de profondément caractéristique l’ordre de faits dont il s’agit, savoir la production de plusieurs types et d’un nombre indéterminé d’individualités par un germe primitif unique.