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pages éloquentes que nous venons de lire et de méditer ont dessillé nos yeux, et nous engageons tous les écrivains qui parlent de peinture à ne pas dédaigner ce précieux avertissement. Heureux, trois fois heureux, les hommes prédestinés qui trouvent dès l’âge le plus tendre des amis attentifs et dévoués, dont les moindres actions sont recueillies avec un soin scrupuleux : si leurs premiers vagissemens sont entourés de prodiges, tôt ou tard le monde finit par le savoir, et l’admiration des fidèles leur est assurée.

J’insiste à dessein sur les premières pages de cette merveilleuse biographie, et je n’ai pas besoin de dire pourquoi. La vie entière de don Federico s’explique par ce glorieux début, et s’il n’a pas encore conquis parmi nous l’admiration qu’il mérite, c’est que son historien ne s’est adressé qu’à l’Espagne. Quand on a l’honneur de posséder un tel trésor de souvenirs inconnus, on doit au monde entier la révélation des grandes choses qu’on a vues. Pourquoi l’historien de don Federico n’a-t-il parlé qu’en 1845? Voulait-il voir les présages du 12 février 1815 confirmés par des présages nouveaux? J’aurais peine à le croire. Il n’y a pas une page de son récit qui ne respire la foi la plus fervente. Je suis donc amené à penser qu’il s’est préparé par de longues études au travail difficile qui lui était imposé. La lecture de Vasari ne lui suffisait pas, il a sans doute interrogé Plutarque sur la manière de raconter la vie d’un autre Alexandre. Il dit naïvement ce qu’il sait, et néglige tout artifice. Les faits parlent d’eux-mêmes, et l’émotion est d’autant plus profonde, que l’auteur ne paraît pas y songer. Plein de modestie, se défiant de ses forces, il n’espère pas achever ce qu’il a commencé ; la postérité écrira les dernières pages de cette vie glorieuse dont il lui a été donné de suivre la première moitié jour par jour, heure par heure. Qui ne serait touché de ce langage? Cet appel familier à la postérité révèle un esprit affermi depuis longtemps dans son admiration pour don Federico, et donne au récit une autorité presque religieuse.

Nous devons au biographe de don Federico la description d’un tableau merveilleux qui malheureusement n’a pas été gravé. Si le burin avait reproduit cette œuvre miraculeuse, sans doute M. Ochoa n’eût pas négligé de nous l’apprendre. Ce tableau, sans précédens dans l’histoire de la peinture, représente la reine Marie-Christine au chevet de son mari Ferdinand VII. La reine, vêtue d’un costume de religieuse, remplit avec une piété fervente les devoirs de garde-malade. Les serviteurs du monarque épient d’un œil inquiet le visage de leur maître, dont la maladie a miné les traits. Jusque-là il n’y a pas de quoi s’étonner. M. Ochoa, avec une sagacité qui fait honneur à son talent d’écrivain, a réservé le prodige pour la fin de la description. — Le médecin de sa majesté, qui assiste la reine dans les soins