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Il est conçu de telle manière que le chemin de fer s’appuie partout sur des voies navigables, et que chaque partie forme un tronçon indépendant assez important en lui-même pour attirer l’émigration. Le chemin de fer dès aujourd’hui peut suivre et côtoyer en quelque sorte, jusqu’à trois cents lieues dans les terres, les grands lacs qui forment le plus magnifique réseau de navigation intérieure qu’on puisse trouver dans le monde entier. Le grand système des rivières qui descendent dans le lac Winnipeg et entrent dans la baie d’Hudson en formerait la continuation naturelle. Ces voies, qu’on pourrait partout rendre navigables, ouvriraient le continent jusqu’au pied des Montagnes-Rocheuses. Cet immense réseau de lacs et de rivières serait complété, du côté du Pacifique, par le système des rivières qui vont y verser leurs eaux, et dont les sources indiquent les passages les plus faciles de la grande chaîne centrale. À ces hautes latitudes, le massif montagneux est tellement abaissé, qu’à l’époque des grandes crues les eaux des deux bassins hydrographiques se rejoignent et se mêlent. Bien que le climat des contrées qui dominent le Lac-Supérieur soit très rigoureux, le capitaine Synge les représente comme parfaitement propres à la culture. La saison d’été y est courte, mais très chaude; les céréales et les fruits y arrivent rapidement à pleine maturité. Plus on avance du côté de l’Océan-Pacifique, plus l’âpreté du climat s’efface, et tous les voyageurs s’accordent à reconnaître qu’à l’île Vancouver il est extrêmement doux.

Le chemin de fer canadien aurait ainsi l’immense avantage de s’appuyer partout sur des voies navigables, et de traverser la partie la plus unie du continent américain; mais il ne paraît pas que ce projet soit destiné à devenir jamais une réalité. Les Canadiens ne possèdent pas eux-mêmes les ressources nécessaires pour mener à bout une œuvre de cette nature, et il est douteux que les capitaux anglais aillent s’aventurer dans une entreprise aussi hasardeuse, dont le premier effet, si elle pouvait jamais être couronnée de succès, serait certainement d’amener une perturbation dans les relations commerciales du monde. L’indépendance du Canada est aujourd’hui assez bien établie pour que les intérêts de la métropole et de la colonie ne soient plus sur toutes les questions nécessairement confondus.

Il ne paraît donc pas très nécessaire, au moins aujourd’hui, de s’appesantir sur le projet anglais, bien qu’il soit en lui-même très digne d’intérêt. Si nous l’avons mentionné, c’est surtout afin de montrer que le climat des latitudes canadiennes n’avait point semblé