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des réservoirs où les locomotives pourront s’alimenter. Ce remède coûteux ne nous inspire qu’une médiocre confiance, car s’il est bien possible que les couches géologiques soient disposées comme elles le sont dans les contrées où l’on creuse avec profit des puits artésiens, il est douteux que les pluies rares qui tombent dans cette partie de l’Amérique alimentent assez les couches souterraines pour y former à toute époque de véritables niveaux d’eau. Lors même d’ailleurs qu’on viendrait à bout de ces difficultés techniques, il n’est pas permis d’espérer qu’on puisse jamais jeter les flots de l’émigration dans ces solitudes du Nouveau-Mexique et de la Californie méridionale, qui forment le véritable Sahara américain. La population espagnole qui depuis longtemps habite cette partie du continent ne s’est jamais étendue en dehors de la vallée du Rio-Grande; elle est si faible et si abâtardie, qu’avant la guerre du Mexique, elle était entièrement tombée sous le joug des tribus indiennes. Jamais l’on ne verra se couvrir de villes et de champs le plateau monotone et désolé du Llano-Estacado, le désert du Rio-Colorado, les arides solitudes qui s’étendent entre ce fleuve, le Gila et le Rio-Grande. La contrée qui sépare l’Arkansas de Santa-Fé, la capitale du Nouveau-Mexique, est coupée par une ceinture de pays boisé qui s’étend, dans le sens du méridien, depuis la Rivière-Canadienne jusqu’au midi du Texas. A l’est de cette limite naturelle, le sol est fertile, coupé par des torrens et des ruisseaux, très propre à la culture; à l’ouest, il n’y a qu’un océan de stériles prairies, çà et là quelque faible torrent et des arbres solitaires dont les formes deviennent de plus en plus étranges à mesure qu’on s’enfonce dans le continent.

Il n’est pas inutile de citer le jugement que porte le major Emory sur les régions du Nouveau-Mexique où l’on propose de faire passer le chemin de fer du Pacifique, parce qu’il a été rendu en dehors de toute préoccupation particulière, à l’époque de la guerre du Mexique. Ce témoignage est d’autant plus précieux, qu’il détruit à l’avance les espérances de ceux qui ne veulent jeter de ce côté l’emploi des capitaux américains et de l’activité anglo-saxonne que pour y faciliter l’introduction de l’esclavage et du travail servile. « La contrée, écrivait en 1846 le major américain, comprise entre l’Arkansas et le Rio-Colorado, sur plus de 400 lieues d’étendue, présente, au point de vue agricole, des particularités qui pèseront toujours sur les populations qui y sont disséminées. Tout le nord du Mexique, en y comprenant le Nouveau-Mexique, Chihuahua, Sonora et les Californies, jusqu’au Sacramento, présente, s’il faut se fier à la plupart des renseignemens, à peu près partout les mêmes caractères physiques, le même climat et les mêmes produits