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explorée par le lieutenant Whipple, part du fort Smith, suit la vallée de l’Arkansas, monte sur un plateau élevé adossé aux Montagnes-Rocheuses, et se dirige vers le Rio-Grande par le col de San-Pedro. Au-delà, le chemin projeté va franchir par un tunnel un col de la Sierra-Madre, descend la rivière Zuni, le Colorado, suit la rivière Mohave, et traverse la Sierra-Nevada pour aboutir au port de San-Pedro. Les caractères physiques des contrées placées sous cette latitude ne sont pas très différens de ceux de la région située sous le 32e degré, et comme les pentes sont beaucoup plus favorables sur cette dernière ligne, c’est la seule sur laquelle il soit nécessaire de nous arrêter.

Les études de la ligne du 32e degré ont été faites en trois parties. La première section s’étend depuis la Rivière-Rouge, qui traverse la Louisiane et borde le Texas, jusqu’au Rio-Grande, qui coupe le Nouveau-Mexique à peu près dans la direction du nord.au sud. Cette région a été examinée par le capitaine Pope. Dans son projet, la route traverse d’abord, sur une distance de cent vingt lieues, les plaines du Texas, presque partout recouvertes de forêts; elle monte ensuite sur un plateau élevé qui occupe une partie du Texas et du Nouveau-Mexique, et porte le nom de Llano-Estacado. On ne saurait mieux dépeindre ce désert américain que ne l’a fait un géologue français, M. Marcou, qui a accompagné le lieutenant Whipple dans son voyage à travers le continent. « Lorsqu’on avance au milieu de ces immenses prairies, dit M. Marcou, on aperçoit de très loin, vers l’occident, une ligne horizontale formée par un plateau parfaitement uni, dont le nom jouit d’une grande réputation parmi les trappeurs et les traitans de ces régions sauvages. Des légendes de grandes caravanes égarées et entièrement détruites par la soif se racontent le soir autour des feux de bivouac longtemps avant d’arriver à ce terrible plateau, dont le nom de Llano-Estacado, c’est-à-dire plateau à ligne de poteaux, indique qu’une route y avait été tracée au moyen de longs bâtons placés de distance en distance, exactement comme ces grands poteaux des routes des hautes chaînes du Jura et des Alpes. Seulement, dans les Alpes et le Jura, les lignes de poteaux indicateurs sont destinées à tracer la route lorsque 12 ou 15 pieds de neige recouvrent ces hautes régions de l’Europe centrale, tandis que sur le Llano-Estacado elles y ont été placées par les premiers explorateurs, des missionnaires espagnols, pour empêcher les caravanes de s’égarer dans ces vastes solitudes, où l’horizontalité presque parfaite du sol et le manque absolu d’arbres ou d’arbrisseaux ne présentent aucun signe qui permette de s’y orienter. Ce haut plateau est tellement près de l’horizontalité parfaite, qu’il faut se coucher à terre pour apercevoir qu’il incline un peu vers