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n’y est pas absolument mauvais; mais ce qui manque de ce côté des Montagnes-Rocheuses est la pluie. La terre se couvre au printemps d’herbes luxuriantes, et le pays n’est plus qu’un immense et magnifique pâturage; mais la chaleur de l’été brûle les graminées et dessèche le sol. Peut-être que, si la prairie ne brûlait pas chaque année, il y croîtrait des forêts qui attireraient l’eau atmosphérique, et qu’il se formerait ainsi un sol plus fertile. »

Le climat ne rend pas l’établissement d’un chemin de fer impossible sous ces latitudes élevées; les hivers n’y sont pas beaucoup plus rigoureux que dans les états du nord qui bordent l’Atlantique, et la neige ne bloquerait jamais les cols des Montagnes-Rocheuses, explorés par les officiers américains, de façon à rendre le passage impraticable. Pourtant, parmi les raisons que les adversaires de ce tracé mettent en avant, ils insistent fortement sur les inconvéniens du climat rigoureux des provinces du nord. A notre avis, ils subordonnent à une question technique une question plus considérable : il s’agit en effet moins de savoir si les difficultés de l’exploitation seront aggravées pendant une partie de l’année que de rechercher comment les conditions météorologiques s’accommodent aux mœurs et aux habitudes des émigrans. Un climat septentrional convient mieux aux Allemands et aux Anglo-Saxons, qui forment le fond de l’émigration américaine. Le nombre des habitans qui ne sont pas nés en Amérique est aujourd’hui de deux millions, et une statistique récente a fait voir que plus des neuf dixièmes habitent les états du nord.

Le véritable inconvénient de la route septentrionale, tracée par Stevens, est la grande largeur de la partie incultivable et infertile, qui ne présente en quelque sorte aucun point de ralliement, aucune oasis à des populations agricoles. Sous ce rapport, une autre route, celle du 45e et du 42e parallèle, offre un grand avantage : le bassin du Grand-Lac-Salé y forme comme un vaste relai au milieu de la distance qui sépare le Mississipi de l’Océan-Pacifique. D’après le capitaine Stransbury, la région des lacs, qui n’est aujourd’hui peuplée que par quatre-vingt mille mormons, peut nourrir une population de plus d’un million d’habitans. Il y a quelques années, cet officier fut chargé par le gouvernement américain de faire le lever topographique des alentours du Grand-Lac-Salé. L’excellent ouvrage qu’il a publié sur son expédition obtint un très vif succès à cause des nombreux renseignemens qu’il y donne sur les établissemens des mormons. Bien que son exploration n’eût pas directement pour but d’étudier le tracé d’un chemin de fer, ce sont pourtant ses résultats, avec les travaux de Frémont, qui ont servi de base au projet du chemin de fer du 42e degré de latitude.

Le capitaine Stransbury insista très fortement sur la nécessité de