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condition de devenir le signal et l’auxiliaire d’une grande œuvre de colonisation intérieure. Il faut qu’on puisse réussir à diriger vers les contrées que le chemin de fer du Pacifique doit traverser cette foule d’émigrans qui commence à devenir gênante pour les anciens états de l’Union, et qu’un parti inintelligent voudrait même repousser entièrement du sol de l’Amérique. Il ne semble pas bien difficile d’attirer les nouveaux arrivans sur des points particuliers du continent, quand on voit que les mormons eux-mêmes réussissent à en entraîner un grand nombre dans leurs villes nouvelles, que la haine et le mépris, plus encore que les montagnes et les déserts, séparent de tout le reste de l’Union. Pourtant il faut encore que l’émigration puisse trouver quelques élémens de prospérité dans les nouvelles régions où l’on chercherait à la porter. C’est pour cela que les considérations qui tiennent à la nature même du pays, à la fertilité du sol, au climat, à l’abondance de l’eau et du bois, dominent, dans le choix d’une ligne destinée à joindre les océans, celles qui sont d’un ordre purement technique, et ne se rattachent qu’à la construction même et à l’exploitation du chemin de fer.

M. Stevens, le gouverneur du territoire de Washington, visita d’abord les prairies du Minnesota; il propose de faire partir le chemin de fer de Saint-Paul, qui forme la tête de la navigation du Mississipi. La ligne traverserait la belle et fertile région qui sépare cette ville de la pointe du Lac-Supérieur, et suivrait ensuite la grande plaine qui porte le nom de prairie du bois des Sioux. Toute la partie orientale du Minnesota, le long du Missouri, est formée par une prairie haute et ondulée qu’on appelle le coteau du Missouri. Le chemin de fer doit tourner ce long plateau par le nord, suivre quelque temps la vallée du Missouri, puis remonter sur les prairies, et, coupant les principaux tributaires de ce fleuve, se diriger vers les Montagnes-Rocheuses. Sur l’immense distance qui les sépare du Lac-Supérieur, il n’y a aucune difficulté de construction; le sol est presque partout uni, les pentes sont régulières et d’une extrême douceur; mais le passage des montagnes présente les plus grands obstacles, bien que le massif des Rocheuses, si élevé au milieu du continent, vienne graduellement s’abaisser vers le nord. Les cols par où on peut les franchir, vers le 47e degré de latitude, ont en moyenne 6,300 pieds d’altitude, et sont par conséquent à 700 pieds plus bas que le Col du Sud. Stevens et ses officiers en examinèrent jusqu’à sept dans la chaîne des Montagnes-Rocheuses proprement dites. Plus à l’ouest, il fallut encore explorer ceux d’une chaîne secondaire qu’on nomme chaîne Racine-Amère et chaîne Cœur d’Alêne. Toute la contrée montagneuse intermédiaire est extrêmement tourmentée, et il faudrait accumuler les travaux d’art pour la traverser.