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partout couverte d’artémises et d’autres plantes odoriférantes, auxquelles le sol froid et l’air sec de ces régions élevées paraissent particulièrement favorables ; l’atmosphère est imprégnée de l’odeur de camphre et de térébenthine particulière aux artémises ; les racines puissantes de cette plante rendent souvent la marche difficile aussitôt qu’on quitte le chemin battu, et elles croissent même sur la route ordinaire où les voitures ne passent qu’une ou deux fois l’an.

L’explorateur américain traversa ces plaines ondulées en suivant la vallée de la rivière d’Eau-Douce, et arriva bientôt à ce fameux rocher isolé, relai bien connu des voyageurs, et qu’ils appellent pompeusement le Roc de l’Indépendance. Au-delà de ce point, la rivière d’Eau-Douce se resserre et coule entre des rochers à pic de plus de 100 mètres de hauteur. En remontant la rivière d’Eau-Douce jusqu’à sa source, Frémont arriva au Col du Sud, qui forme une forte dépression dans les Montagnes-Rocheuses, et par où on les franchit à cette latitude. Ce passage a été découvert par un parti de trappeurs engagés au service d’un négociant de Saint-Louis ; il ne mérite pas véritablement le nom de col, et sa forme ne rappelle en rien, par exemple, les fameux cols des Alpes. Une longue plaine de quarante lieues d’étendue s’élève lentement jusqu’à l’altitude de 7, 000 pieds au-dessus du niveau de la mer. Arrivé au sommet de ce plan incliné, le voyageur domine tout à coup le versant occidental des Montagnes-Rocheuses et la partie du continent dont les eaux vont se verser dans le Pacifique ; il n’a que quelques pas à faire pour rencontrer les premiers tributaires du Colorado, qui va se jeter dans le golfe de Californie.

Frémont visita la chaîne des Montagnes-Rocheuses qui domine du côté septentrional la grande dépression du Col du Sud, et qui porte le nom de chaîne du Vent. Les immenses pics de cette région, toujours couronnés de neige, passent pour les plus élevés de l’énorme barrière qu’on comprend sous le nom général de Montagnes-Rocheuses : la chaîne du Vent y forme une sorte de nœud ou de point remarquable d’où descendent quatre grands fleuves, le Colorado, ou Rivière-Verte des Américains, et la Colombie, qui se jettent dans le Pacifique, — le Missouri et la Nebraska, qui, de l’autre côté, vont se réunir au Mississipi.

Avec quelques-uns de ses compagnons, l’officier américain gravit, au prix de mille fatigues et presque sans provisions, les cimes les plus élevées de la chaîne ; il réussit à monter sur l’immense muraille qui en forme la charpente centrale. Le nom de pic de Frémont a depuis été donné à bon droit au point le plus élevé auquel il soit parvenu, situé à 13, 570 pieds au-dessus du niveau de la mer. On apercevait de là comme un amoncellement de cimes neigeuses et de