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toujours montrée habile à étudier les ressources d’une contrée, ce choix a quelque chose de significatif. Dominant tout le cours du Mississipi, placé au centre d’un immense bassin houiller, Saint-Louis est lié à la Nouvelle-Orléans par le fleuve lui-même, à New-York et à Philadelphie par des chemins de fer. C’est de Saint-Louis que part le seul tronçon qui dépasse actuellement le cours du Mississipi, et qui aujourd’hui s’étend, dans la direction de l’ouest, jusqu’à la ville de Jefferson. C’est Saint-Louis qui sera peut-être la tête du chemin du Pacifique, s’il est jamais construit.

Le mouvement d’expansion des États-Unis obéit-il à une loi manifeste? Qu’il y ait une impulsion très vive vers l’ouest et une tendance à pénétrer de plus en plus dans le continent, c’est ce qui est incontestable : la limite du far-west recule rapidement vers l’intérieur. Comme l’incendie allumé dans la prairie déroule au loin ses vagues fumeuses, ainsi l’émigration s’aventure toujours plus avant : elle dépasse déjà l’état de Missouri pour envahir les riches provinces du Kansas. L’opinion accréditée est que pour fonder des établissemens nouveaux, on ne saurait aller assez loin vers l’occident. Puisque cette extension sans limites semble être une loi même du développement des États-Unis, il est désirable qu’elle s’opère plutôt dans cette direction que dans celle du sud : les Allemands patiens et robustes qui vont défricher les prairies reculées travaillent plus sûrement et plus honorablement à la prospérité de l’Union que les flibustiers qui, au mépris du droit des gens, organisent des expéditions contre Cuba et les provinces de l’Amérique centrale. L’annexion des provinces méridionales a toujours eu lieu bien moins afin d’agrandir l’étendue de l’Union que pour fortifier l’odieuse institution de l’esclavage par l’introduction de nouveaux états où il fût possible de l’établir, et tout le monde sait que ces adjonctions ont été souvent opérées par des moyens aussi honteux que l’espérance qui les inspirait. On ne peut prévoir jusqu’où peut s’étendre la plaie qui ronge l’Union, si l’ouest ne finit par saisir une part d’influence considérable, et ne fait pencher la balance en faveur du nord dans cette vitale question de l’esclavage, à laquelle toutes les autres sont depuis longtemps subordonnées.

Dans l’immense portion de l’Amérique du Nord que le chemin de fer du Pacifique contribuerait à vivifier, on peut distinguer cinq grandes régions principales, en allant de l’est à l’ouest. La première est l’immense bassin dont le Mississipi est le centre : elle comprend, sur la rive droite de ce fleuve, les états d’Iowa, de Missouri, d’Arkansas, du Texas, — les territoires de Minnesota, de Kansas, de Nebraska, — les territoires indiens, vastes régions arrosées par les longs et nombreux affluens du Mississipi, et qui s’élèvent en pentes