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à répondre de l’exercice du pouvoir : portez vos regards sur les populations du Lancashire et du Yorkshire, et malgré toute votre vaillance, et quoique vous parliez sans cesse de lever le drapeau de la protection, demandez-vous vous-mêmes s’il y a dans vos rangs des hommes qui veuillent aller occuper ce banc où siège l’honorable baronet à la condition de maintenir la loi sur les grains. Je les en défie ! »

Je crois que M. Bright avait raison, et qu’au point où l’affaire en était venue, les plus hardis des conservateurs opposans n’auraient pas osé se charger du gouvernement aux conditions qu’ils voulaient imposer à sir Robert Peel. Ils n’en persistèrent pas moins dans leurs exigences et leurs violences. C’est l’une des fautes les plus communes de l’opposition de réclamer avec passion ce qu’elle ne tenterait pas d’accomplir, se donnant ainsi, aux yeux des honnêtes gens sensés, le tort d’une imprévoyance frivole ou d’une hypocrisie ambitieuse. Mieux placés pour être conséquens et francs sans colère, les whigs, dans tout le cours du débat, appuyèrent loyalement sir Robert Peel ; ils y avaient peu de mérite : il faisait à la fois les affaires de leurs principes et celles de leur ambition ; il dissolvait son parti sans enlever aux chefs whigs le leur. De part et d’autre la conduite et le langage furent parfaitement vrais ; les whigs n’intervinrent dans la discussion que rarement, pour bien constater que leur adhésion était aussi ferme que nécessaire, mais sans prendre, au-delà de la question des grains, aucun engagement, en évitant avec soin tout ce qui eût pu faire croire, entre eux et sir Robert Peel, à une alliance systématique et générale. « On répète souvent, dit lord John Russell, que l’honorable baronet réussira mieux que nous ne l’aurions pu à faire adopter ces mesures ; je répète à mon tour que c’est avec notre aide et à cause de la conduite que nous tenons. J’y dois insister pour que justice soit rendue aux personnes qui votent avec moi. Si l’honorable baronet a l’honneur d’établir un système de liberté commerciale qui mettra le pauvre en état d’obtenir pour son travail un meilleur salaire, qui augmentera la demande pour les productions de notre pays, qui ouvrira les voies au perfectionnement moral du peuple comprimé jusqu’ici par l’insuffisance de ses moyens de bien-être ; — si c’est à l’honorable baronet que reviendra la gloire d’une mesure accompagnée de si grands et si salutaires effets, ayons du moins, nous, le sérieux contentement de nous être unis, en dehors du pouvoir, au ministre de la couronne pour assurer son triomphe… Dans le cours de notre administration passée, nos motifs n’ont pas toujours été justement appréciés, et nos mesures n’ont pas toujours obtenu, de ceux qui étaient alors nos adversaires politiques, un impartial examen. »

Sir Robert Peel ne se trompa point sur le sens de cet amer souve-