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sidérations de devoir public… Malgré ce qui s’est passé dans ce débat, malgré l’âpreté de quelques paroles, je rendrai au parti qui m’a soutenu jusqu’à ce jour pleine justice ; j’ai eu l’occasion de connaître les motifs déterminans de la conduite des hommes qui m’entouraient, et quoiqu’ils me menacent de la perte de leur confiance, je dis hautement, parlant d’eux en masse et comme d’un grand corps, que je ne crois pas qu’il y ait jamais eu un parti gouverné par de plus purs et plus honorables sentimens… Mais je réclame pour moi-même, que je sois simple particulier ou homme public, le droit de céder à la force du raisonnement et d’agir d’après les lumières d’une plus complète expérience. On peut croire qu’il y a quelque chose d’humiliant dans de tels aveux ; je ne sens aucune humiliation. Je n’ai pas, dans la capacité de l’homme pour décider, par voie d’intuition, de ce qui est vrai ou faux, tant de confiance que j’éprouve aucun embarras à reconnaître que je me suis trompé. Je me sentirais humilié si, ayant changé d’avis, je refusais d’en convenir, de peur d’être accusé d’inconséquence. La seule question est de savoir si les motifs du changement sont sincères et suffisans. »

Nul homme public pourtant n’est couvert, par la conscience, le patriotisme ou le dédain, d’une si forte cuirasse qu’il ne ressente enfin les coups répétés qui lui sont portés, et c’était bien plutôt par excès de susceptibilité que par superbe indifférence que sir Robert Peel se refusait à cette arène. Il y entra un moment : « Je trouve dur, dit-il, de m’entendre accuser sans cesse d’infidélité aux intérêts de mon pays ou à tel intérêt particulier… J’entends dire et redire que j’ai contracté des obligations personnelles à raison du grand pouvoir que j’ai l’honneur d’exercer ; j’y ai été élevé, dit-on, par un parti, et le parti qui m’y a élevé est assez puissant pour m’en faire descendre… Entendons-nous, je vous prie, et je ne parle pas pour moi seul, mais aussi pour les hommes honorables de partis divers qui m’ont précédé dans ce haut rang, entendons-nous sur la nature des obligations que nous contractons en y montant… J’ai servi quatre souverains, George III et ses trois successeurs… Je les ai servis dans des temps difficiles… Je les ai servis avec une invariable fidélité, et j’ai dit à chacun d’eux qu’il n’y avait qu’une faveur, une distinction, une récompense que je désirasse et qu’ils pussent m’offrir, leur simple déclaration que j’avais toujours été pour eux un loyal et fidèle ministre. Je vous dis là en quoi consistent, selon moi, les obligations imposées aux hommes revêtus du pouvoir… Croyez-moi, le gouvernement de ce pays est une tâche difficile ; je puis le dire sans offense : les institutions anciennes sont, comme l’organisation de notre propre corps, une œuvre merveilleuse et délicate à faire trembler. Il n’est pas aisé de maintenir l’union active d’une vieille