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Peel, pour s’assurer complètement aussi son approbation. Sir Robert déclina également cette proposition ; il avait clairement exprimé en principe la mesure à laquelle il promettait son concours, il ne pouvait aller plus loin. Les whigs auraient voulu que leur ancien rival se mît, pieds et poings liés, à leur service, et sir Robert Peel ne voulait pas se charger absolument du fardeau sous le nom et au profit de ses successeurs. Dans les grandes circonstances, cette lutte de manœuvres subtiles et toujours un peu obscures, sous des dehors de parfaite sincérité, est l’un des côtés faibles du gouvernement représentatif, et les grands caractères en surmontent seuls les embarras par des résolutions et des paroles simples, promptes et hardies. Je ne trouve pas que, dans leurs négociations à cette époque, ni sir Robert Peel ni les whigs aient déployé cette grandeur : les whigs prétendaient à trop de sécurité, et sir Robert à trop de liberté ; quand on parle de sauver les peuples, il faut accepter des chances plus douteuses et des sacrifices plus complets. Lord John Russell fit un pas ; forcé de reconnaître, comme il le dit lui-même plus tard à la chambre des communes, que les raisons de sir Robert Peel pour se refuser aux engagemens détaillés qu’on lui demandait étaient puissantes, il écrivit le 16 décembre à la reine une longue lettre où il exposait avec précision son plan de conduite dans la grande question à l’ordre du jour ; ce n’était point celui qu’avait indiqué sir Robert Peel dans sa lettre du 8 décembre, c’est-à-dire la suspension actuelle des droits à l’importation des grains, pour arriver, par une réduction graduelle, à une abolition définitive ; c’était l’abolition complète et immédiate de ces droits. « Si cette mesure, disait lord John, devait empêcher sir Robert Peel de prêter au gouvernement nouveau l’appui qu’il a si spontanément et si noblement offert, je me verrais obligé de décliner la tâche que m’a si gracieusement confiée votre majesté. » La reine communiqua le soir même cette lettre à sir Robert, qui répondit le lendemain qu’il tiendrait les promesses qu’il avait faites en quittant le pouvoir, pour concourir à la solution de la question des lois sur les céréales, mais qu’il ne croyait pas que son devoir lui permît d’aborder devant le parlement l’examen de cette importante question, lié par un engagement préalable tel que celui qu’on lui demandait. Lord John se décida à se contenter de cette déclaration, et dit à la reine qu’il était prêt à se charger de former un cabinet ; mais quand on en vint aux arrangemens définitifs et personnels, un obstacle, inattendu selon les uns, prévu selon les autres, et accepté volontiers pour sortir décemment d’une situation difficile, fit échouer la combinaison ; lord Howick, devenu tout récemment lord Grey par la mort de son illustre père, et le plus prononcé des whigs pour l’abolition complète et immé-