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de la trésorerie leur opposa en 1839, 1840 et 1841 d’éloquens panégyriques du système en vigueur, l’abondance qu’il avait amenée, la prospérité rurale qu’il avait répandue. Il combattit la réduction du droit protecteur, comme il avait combattu en 1817 et 1825 les garanties proposées pour la sécurité des intérêts protestans, comme il avait repoussé en 1830 la proposition de donner à Manchester, à Leeds et à Birmingham le droit d’envoyer des membres au parlement.

« La résistance à des concessions limitées doit avoir aujourd’hui le même résultat qu’elle a eu dans les cas que je viens de rappeler. Ce n’est plus la peine de lutter pour un droit fixe. En 1841, les partisans de la liberté du commerce auraient consenti à un droit fixe de 8 shellings par quarter, qui aurait pu être graduellement réduit et enfin aboli. Aujourd’hui l’établissement d’un droit quelconque, sans limite fixée et prochaine pour son extinction, ne ferait que prolonger une lutte qui a déjà produit assez de mécontentement et d’animosité. La tentative de rendre le pain rare et cher, quand il est clair qu’une partie au moins du prix additionnel sert à élever la rente du propriétaire, est profondément nuisible à une aristocratie qui, cette querelle une fois écartée, demeurera puissante par la propriété, puissante dans la formation de notre législature et dans l’opinion, puissante par ses anciennes relations dans le pays et par la mémoire de ses immortels services.

« Unissons-nous pour mettre fin à un système qui a été le fléau du commerce, le poison de l’agriculture, la source d’amères divisions entre les classes, une cause incessante de misère, de maladie, de mortalité et de crime parmi le peuple.

« Mais ce but ne peut être atteint que par la manifestation évidente du sentiment public. On ne saurait nier que beaucoup d’élections de villes en 1841, et quelques-unes en 1843, n’autorisent à dire que la liberté du commerce n’est pas populaire dans la grande masse de la communauté. Le gouvernement semble attendre quelque excuse pour abandonner la loi sur les grains. Que le peuple, par ses pétitions, ses adresses, ses remontrances, fournisse aux ministres l’excuse qu’ils cherchent. Que les ministres proposent dans les taxes publiques les modifications qui leur paraîtront le plus propres à rendre le fardeau plus juste et plus égal, qu’ils y ajoutent toutes les précautions que la prudence et les ménagemens les plus scrupuleux pourront leur suggérer ; mais demandons en termes clairs et positifs la suppression de tout droit à l’importation des objets qui servent à la subsistance et à l’habillement de la masse du peuple : c’est une mesure bonne pour tous les grands intérêts et indispensable pour le progrès de la nation,

« J’ai l’honneur, etc.

« J. Russell. »


A la lecture de cette lettre, tout le public s’émut, personne autant que sir Robert Peel. On lui reprochait ses changemens d’opinion, ses ménagemens populaires, ses évolutions parlementaires, et voilà le premier des aristocrates whigs, le chef de l’opposition, qui abandonnait ce qu’il avait soutenu pendant vingt ans, une certaine mesure de protection aux cultivateurs indigènes et un droit fixe au