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conviction actuelle, assez peu d’accord avec leurs anciennes opinions. Je comprends la résistance de ces hommes-là à mon vœu ; mais la plupart des honorables membres qui siègent en face de moi sont entrés dans cette chambre uniquement comme les amis des fermiers, comme les protecteurs des intérêts agricoles, point comme des politiques. Eh bien ! que vous proposez-vous de faire ? Vous bornerez-vous à suivre l’honorable baronet dans son opposition à une enquête sur la condition et les souffrances de ceux-là mêmes qui vous ont envoyés ici ? Je vous dis que, si vous m’accordez un comité, je mettrai au grand jour la déception de la protection agricole. J’apporterai une telle masse de preuves, que lorsque les procès-verbaux de notre enquête seront publiés et répandus dans le monde, votre système de protection ne vivra pas plus de deux ans dans l’opinion publique… Non, je ne puis croire que les gentilshommes d’Angleterre ne soient que des tambours sur lesquels frappe un premier ministre pour leur faire rendre des sons creux et vides de sens, et qui n’aient point de voix ni de parole articulée pour leur propre compte. Non ! vous êtes l’aristocratie de l’Angleterre. Vos pères ont conduit nos pères ; vous pouvez nous conduire encore dans le droit chemin. Vous avez conservé, plus longtemps qu’aucune autre aristocratie, votre influence sur votre pays ; mais ce n’a pas été en repoussant l’opinion populaire, en vous dressant contre l’esprit du temps. Jadis, quand c’était dans les chasses et dans les batailles que se déployait la mâle vigueur des hommes, vos pères y brillaient les premiers… Vous avez toujours été des Anglais. Vous n’avez jamais manqué de fermeté ni de courage quand le sort vous a demandé d’en faire preuve. Ceci est une nouvelle ère ; c’est un âge de développement et de progrès social, non plus de guerres ou de jeux féodaux. Vous vivez dans un temps de travail et de commerce ; la richesse du monde entier vient se verser dans votre sein. Vous ne pouvez avoir à la fois les avantages commerciaux et les privilèges féodaux ; mais si vous voulez vous unir à l’esprit du temps, vous pouvez être ce que vous avez toujours été. Le peuple anglais regarde l’aristocratie et la gentry du pays comme ses chefs. Moi, qui ne suis pas l’un de vous, je n’hésite pas à vous dire qu’il y a en votre faveur, dans ce pays, une sorte de préjugé profond et héréditaire ; mais vous ne l’avez pas conquis et vous ne le conserverez pas en vous opposant à l’esprit du temps. Si vous restez indifférons aux nouveaux moyens d’employer la population qui habite vos terres, si vous faites obstacle aux progrès qui doivent unir de plus en plus les nations par les pacifiques relations du commerce, si vous luttez contre les découvertes qui donnent presque la vie à la nature matérielle, si vous prétendez arrêter les transformations décrétées par le