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pas l’intérêt populaire, c’est notre pénible, mais impérieux devoir de résister. Si cette chambre est d’un avis différent, si vous pensez que vous devez faire cette grande expérience sur le travail national, ou si vous regardez cette concession aux vœux du peuple comme inévitable, qu’il en soit ainsi ! Mais si vous prenez ce parti, et je reconnais que, pour agir conséquemment, vous devez le faire, je vous le dis avec le plus profond respect, vous aurez à le prendre sous d’autres auspices que les nôtres, et avec des guides plus propres que le ministère actuel à vous diriger dans cette voie. »

C’était user de son droit avec une fierté un peu rude et sans ménagement pour aucun amour-propre ; mais les tories dissidens n’étaient pas en état, ni peut-être encore en disposition de pousser la mauvaise humeur jusqu’à la rupture. En vain lord John Russell essaya de les y encourager en blâmant sir Robert Peel d’une exigence si hautaine : la chambre était beaucoup plus nombreuse que dans les séances précédentes ; l’amendement qui limitait à dix le nombre des heures de travail fut rejeté par une majorité de 138 voix, et le bill passa tel que le proposait le cabinet.

Un mois après ce vote, sir Robert mit une seconde fois la fidélité, je ne veux pas dire la docilité de son parti à la même épreuve. Sur la proposition d’un membre conservateur et malgré la résistance du chancelier de l’échiquier, la chambre avait adopté, le 14 juin 1844, dans la question des droits sur les sucres, un amendement qui réduisait de 4 shellings de plus que ne le voulait le gouvernement le droit sur les sucres provenant des colonies anglaises, et, dans certains cas, sur les sucres étrangers. Sir Robert Peel, qui n’avait pas assisté à cette séance, reprit la question trois jours après, la traita sous toutes ses faces en la rattachant au système général des finances publiques, rappela les opinions qu’il avait professées à ce sujet, soit dans l’opposition, soit dans le gouvernement, se concilia la faveur des persévérans adversaires de l’esclavage en maintenant l’inégalité des droits entre les sucres provenant du travail libre et les sucres produits par le travail esclave, et, passant brusquement de cette question spéciale à la situation générale du cabinet : « Indépendamment de mon opinion sur les mérites de l’amendement en lui-même, dit-il, il y a des raisons politiques qui ne me permettent pas de l’accepter. Il a été voté par une combinaison de ceux qui en général nous soutiennent avec nos communs adversaires. On dit qu’il a en soi peu d’importance : il en est d’autant plus significatif comme manque de confiance dans le gouvernement. Si vous pouvez atteindre un grand but d’intérêt public, c’est une bonne raison pour modifier le plan du cabinet ; mais s’il n’y a pas grande différence dans la valeur et l’effet des deux propositions, je dis qu’alors le concours