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ficacité de l’éducation des jeunes ouvriers. La proposition fut accueillie avec une faveur générale ; mais comme il était arrivé au vieux sir Robert Peel, le zèle, s’échauffant dans le cours des débats, emporta quelques-uns des réformateurs. Lord Ashley demanda que le nombre des heures de travail fût limité à dix par jour pour tous les adultes sans distinction, hommes ou femmes, et sa proposition n’était pas la plus extrême, car M. Fielden voulait réduire ce nombre à huit heures. « Les philosophes, disait-il, divisent le jour en trois périodes : huit heures de travail, huit heures de récréation et huit heures de sommeil ; je voudrais que nos lois adoptassent le même principe. » Au nom des droits de la liberté personnelle et des intérêts du commerce national, sir Robert Peel repoussa catégoriquement ces propositions ; il établit que les manufactures de coton, de laine, de lin et de soie, auxquelles elles seraient appliquées, entraient pour les cinq sixièmes dans les exportations de l’industrie anglaise[1], et que la réduction de douze à dix heures de travail par jour enlèverait aux manufacturiers sept semaines de travail par an. C’était plus, dit-il, que ne permettait la concurrence étrangère et que n’exigeait l’humanité. Malgré cette puissante argumentation, la chambre adopta un amendement de lord Ashley qui avait pour résultat indirect de réduire à dix, pour tous les adultes indistinctement, le nombre des heures de travail, et quatre jours après les deux propositions directes, celle du gouvernement, qui maintenait ce nombre à douze, selon l’usage des manufactures, et celle de lord Ashley, qui le limitait à dix, furent également rejetées. Une grande confusion avait régné dans les partis et dans les votes ; soit humeur contre le cabinet, soit recherche de la popularité, plus de quatre-vingts tories avaient voté avec l’opposition. Non-seulement le bill était perdu, mais l’autorité de sir Robert Peel était compromise. Il résolut de ne pas souffrir un tel échec. Environ deux mois après, un nouveau bill fut présenté, différent à quelques égards du premier, mais qui maintenait à douze le chiffre des heures de travail, et à l’approche du vote, après avoir rappelé toutes les raisons qu’il avait déjà données contre l’amendement de lord Ashley, sir Robert Peel termina en disant : « C’est notre devoir de considérer dans leur ensemble tous les grands intérêts commerciaux, politiques, sociaux et moraux de toutes les classes de ce grand empire ;… nous sommes, plus que vous, en mesure de n’en oublier aucun. Nous ferons notre devoir. Je proteste contre la doctrine que nous devons céder parce que c’est la volonté populaire. Si nous sommes convaincus que ce n’est

  1. Pour 35 000 000 de livres sterl. (875 000 000 de fr.) sur un total de 44 000 000 de livres (1 100 000 000 fr.), d’après les données statistiques de l’année 1843.