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de son esprit qu’il avait le goût des petites affaires comme des grandes, et se complaisait dans le laborieux accomplissement d’une modeste mesure administrative presque autant que dans les glorieux efforts d’un grand acte politique. Deux des membres de son cabinet, lord Lyndhurst et sir James Graham, lui étaient des auxiliaires très efficaces, et ce fut surtout avec leur aide qu’il accomplit en peu d’années, soit dans les lois, soit dans l’administration, une multitude de réformes qui n’auront point de place dans l’histoire, mais dont la société anglaise recueille tous les jours les fruits.

Parmi celles dont il occupa le parlement, il en était une qui devait lui inspirer un intérêt particulier : c’était le bill que proposa sir James Graham pour modifier les lois déjà en vigueur sur le travail et l’éducation des enfans employés dans les manufactures. Ces lois avaient le père de sir Robert Peel pour premier auteur. Le 6 juin 1815, ce vieux manufacturier, qui avait passé sa vie au milieu des ouvriers, faisant sa fortune par leur travail, signala à la chambre des communes le triste et coupable abus que, dans la plupart des manufactures, on faisait du travail des enfans, leurs souffrances, leur dégradation physique et morale, et il demanda que la loi se chargeât d’y porter remède. Il n’était pas bien exigeant ; il proposait que le travail des enfans fût limité à dix heures par jour, leur laissant deux heures et demie pour les repas et pour l’école. La proposition fut bien reçue et devint l’objet d’une enquête ; mais, dans son zèle d’humanité, l’auteur de la réforme la compromit en demandant qu’on limitât aussi, par la loi, les heures de travail des adultes. La plupart des manufacturiers, les économistes, les libéraux prévoyans s’y opposèrent, réclamant les droits du travail libre et de la libre concurrence pour les hommes en âge de se défendre eux-mêmes en usant de leur liberté. Dans les discussions auxquelles la question donna lieu, le jeune Peel, naguère entré dans la chambre des communes, vint en aide à son père, et en 1819 un bill fut adopté, qui régla les conditions d’âge et de travail dans les manufactures, pour les enfans seulement. Depuis 1819, cette législation avait été l’objet d’enquêtes et de modifications successives où l’esprit de réforme humaine avait de plus en plus prévalu. Cependant ni le public ni le parlement n’étaient satisfaits, et la question les préoccupait toujours. Le 7 mars 1843 et le 6 février 1844, sir James Graham proposa, dans le système en vigueur, de nombreux changemens, dont les principaux étaient la réduction du nombre des heures de travail à six et demie pour les enfans de neuf à treize ans, la limitation à douze heures par jour pour le travail des jeunes gens de treize à dix-huit ans de l’un ou l’autre sexe, l’interdiction que le travail des femmes dépassât jamais douze heures par jour, et quelques précautions pour l’ef-