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lecture du bill. Sur les articles et les amendemens, sur la troisième lecture du bill amendé, la discussion recommença et se prolongea encore huit jours ; sir Robert y reprit plusieurs fois la parole, une fois même contre M. Macaulay, avec une fierté âpre qui n’était pas exempte de rancune. Dans la chambre des lords, il y eut trois jours de débat, et le duc de Wellington y déploya en faveur du collège de Maynooth, mais sans exciter contre lui-même aucune colère, son autorité brève et froide. Personne ne s’en prenait à lui ; sir Robert répondait seul de la mesure. Justement, car il ne l’avait pas seulement proposée et fait accepter à ses collègues ; il l’avait conçue et résolue sans y être poussé par aucune urgente nécessité de gouvernement, par aucune instance de l’opinion ; c’était, de sa part, un acte libre et spontané de politique juste et prévoyante, accompli contre le vœu de son parti et la pression du dehors. Rare exemple dans un temps où la hardiesse volontaire semble n’appartenir qu’aux esprits pervers ou chimériques ! Sir Robert Peel s’exagérait l’importance et les salutaires effets de son acte : le clergé catholique irlandais n’en fut ni très reconnaissant, ni promptement et notablement perfectionné ; mais c’était un pas dans cette voie de justice et de progrès sensé où la perspective est immense et la lenteur extrême. A sir Robert Peel en revenait l’honneur comme le fardeau, puisqu’il en avait eu la vertu.

La bataille de Maynooth à peine gagnée, le cabinet en engagea une autre, pour l’Irlande aussi et sur un sujet analogue. Sir James Graham proposa de fonder, à Cork, à Galway et à Belfast, trois collèges purement laïques, où l’état ferait enseigner les lettres et les sciences humaines, sans y joindre aucun enseignement religieux, et en s’en remettant sur ce point aux soins libres des diverses croyances. C’était soulever une question aussi complexe que grande, la question de savoir si la séparation de la vie civile et de la vie religieuse, possible dans l’état et pour les hommes faits, l’est également dans les établissemens d’instruction publique, pour les enfans et les jeunes gens. C’était de plus agir en vertu d’un principe qui semblait peu en harmonie avec la conduite du gouvernement dans l’affaire du collège de Maynooth. À Maynooth, l’état venait en aide à l’éducation des prêtres catholiques, et dans les nouveaux collèges il ne faisait plus rien pour aucune éducation religieuse. Le débat fut long et la confusion extrême dans les idées comme dans les partis ; les catholiques et les protestans fervens, M. O’Connell et sir Robert Inglis, repoussèrent ardemment le bill ; sir Robert Peel intervint plusieurs fois, maintenant toujours le principe de l’éducation purement laïque, mais avec quelque perplexité, et plutôt comme une nécessité imposée par les dissensions religieuses de l’Irlande que comme une mesure