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tout à l’heure que si j’en appelais à mes propres commettans, si peu nombreux et qui se sont toujours montrés si confians en moi, comme moi en eux, je perdrais mon siège dans le parlement. J’admets qu’il en soit ainsi. Croyez-vous que nous eussions couru de tels risques, compromis de tels biens, mis en question notre existence comme gouvernement, comme membres du parlement, si un impérieux sentiment de devoir public ne nous eût prescrit de nous lancer dans tous ces périls ? Comme auteur de cette mesurer, comme organe du gouvernement, et quoique j’aie déjà, il y a quelques jours, bien abusé du temps de la chambre, je me sens obligé de remettre sous ses yeux les motifs de notre proposition, son but direct, les perspectives plus lointaines qu’elle nous ouvre, ce que nous en espérons pour l’état de l’Irlande, pour les relations de l’Irlande avec l’Angleterre. »

Il reprit en effet, non pas tout le débat, mais la question même sous son grand aspect politique, dans ses motifs et ses effets probables pour la pacification de l’Irlande et le difficile progrès de l’union réelle entre les deux religions et les deux races. Arrivé au terme de ce résumé : « Je ne prétends pas, dit-il, que ceci produira une satisfaction permanente, je ne donne pas le vote en faveur du collège de Maynooth comme une mesure complète et finale,… mais je crois qu’il inspirera en Irlande une satisfaction reconnaissante. Je sais qu’il y a été reçu avec joie, dans le même sentiment qu’ici il a été proposé… Je ne regrette point le parti que j’ai pris… J’ai été tenté un moment, dans la première période de ce débat, de répondre au discours de l’honorable M. Macaulay ; mais décidément je ne dirai rien des imputations et des censures qu’il a dirigées contre le gouvernement… Les sentimens que peuvent susciter en moi soit le reproche d’inconséquence, soit les soupçons élevés sur ma sincérité, sont tous subordonnés à un autre sentiment, à mon désir que vous ne rejetiez pas cette mesure… Je vous le dis sans la moindre hésitation, il faut que, de manière ou d’autre, vous brisiez la confédération formidable qui existe en Irlande contre le gouvernement anglais, contre l’union avec l’Angleterre. Je ne crois pas que vous puissiez la briser par la force. Vous y pouvez beaucoup en agissant constamment dans un esprit de modération, de douceur, de générosité… Je vous l’ai déjà demandé, je vous le redemande instamment, punissez-nous, censurez-nous, que les deux partis s’unissent contre nous par ce motif que notre politique devrait être exécutée par ses premiers promoteurs ; mais que votre courroux ne tombe pas sur la mesure même : épuisez-le, comme vous voudrez, sur ceux qui vous la proposent. »

Il pouvait appeler sur lui-même tout le courroux de la chambre ; il avait gagné sa cause ; une majorité de 147 suffrages vota la seconde