Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/550

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

traditions ; les radicaux systématiques, qui ne voulaient pas que l’état intervînt d’aucune manière dans les affaires religieuses ; les rivaux politiques de Peel, tories et whigs, les premiers empressés à se faire un nom et du pouvoir dans leur parti aux dépens d’un chef qui l’opprimait, disaient-ils, en le trahissant, les seconds approuvant la mesure, mais en revendiquant pour leurs principes et pour eux-mêmes le mérite et l’honneur. Tous se précipitaient à l’envi dans la lutte, par devoir, par aveuglement, par colère, par ambition, les uns pour défendre leur cause en péril, les autres pour servir leur parti en décriant son plus redoutable adversaire au moment même où ils lui prêtaient leur appui.

Les ultra-protestans, les plus nombreux comme les plus passionnés des opposans, ne déployèrent pas dans le débat autant de talent que d’ardeur. Les plus sensés, comme sir Robert Inglis, ne se séparaient de Peel qu’avec regret, rendaient justice à ses intentions, à ses services, et, tout en maintenant la domination exclusive du protestantisme, voulaient garder envers les catholiques des mesures de charité chrétienne. Les plus véhémens tombaient dans de tels emportemens personnels, ou dans des préjugés tellement vieillis, ou dans des alarmes si exagérées, que leur sincérité et leur cause en devenaient ridicules. M. Plumptree reprocha à lord John Manners d’avoir dit que la religion catholique n’était pas celle de l’Antéchrist : « Rien n’est plus loin, dit-il, de mon intention que de faire de la peine à qui que ce soit, et si cela m’arrive aujourd’hui, c’est qu’un devoir suprême m’y oblige. Je ne dis pas que la religion de Rome soit exclusivement celle de l’Antéchrist, mais je crois qu’elle l’est bien éminemment et complètement, et que c’est par conséquent un affreux péché, un péché national, de doter, comme on le propose, cette religion. » — « Si je n’avais pas vu le premier lord de la trésorerie prêter serment dans cette chambre, dit le colonel Sibthorp, je douterais s’il est protestant, ou catholique romain, ou mahométan ; je ne serais pas surpris si je le voyais un jour assis les jambes croisées comme un Turc, ou embrassant le pape Je ne soutiendrai jamais cet homme-là… Un honorable et savant membre a dit que je sacrifierais mes principes plutôt que de faire couper ma barbe ; je lui réponds que je me ferais couper non-seulement la barbe, mais la tête, plutôt que d’oublier que je suis né protestant, que j’ai été élevé protestant, et Dieu me fasse la grâce de mourir dans ces sentimens et cette foi ! » — « Si les ministres de sa majesté, dit M. Ferrand, la décident à apposer sa signature à ce bill de Maynooth, elle biffera de sa main son titre à la couronne de la Grande-Bretagne ! »

Les radicaux n’avaient nulle colère. Si la rigueur de leur prin-