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pour nos relations extérieures, soit en ce qui touche à l’état du commerce national et du revenu public, nous nous présentons devant le parlement ayant réalisé les espérances que nous nous étions permis d’attacher aux mesures que nous lui proposions, et vous penserez, j’ose m’en flatter, que nous n’avons pas manqué à nos devoirs envers notre souveraine et notre pays. »

Mais le succès, dans les gouvernemens libres, n’est pas un titre au repos, et, loin de les apaiser, les espérances réalisées aggravent les exigences. C’est la condition que fait à leurs plus dignes serviteurs l’impatience égoïste des peuples. Sir Robert Peel ne l’ignorait pas, et n’en était ni surpris ni découragé : voué dès sa naissance, par l’ambition paternelle, à la vie politique, il en avait contracté de bonne heure les mœurs laborieuses et fortes, non sans quelque souffrance pour sa nature susceptible, fière avec timidité, et d’ailleurs très sensible aux douceurs de la vie domestique ; les affaires de l’Angleterre étaient ses affaires, et la chambre des communes son champ de manœuvre ou de bataille pour les traiter ; il en acceptait les travaux comme sa mission, et les tristesses comme sa condition naturelle et inévitable : homme public dans la plus noble et la plus complète acception du terme, faisant du service du pays son état comme son devoir, et s’y abandonnant tout entier sans tenir compte d’aucun déplaisir, quoiqu’il les ressentît vivement. Il déploya, pendant les deux sessions de 1844 et 1845, une activité et une aptitude inépuisables, attentif et prêt en toute occasion, dans les petits incidens comme sur les grands intérêts de gouvernement, et habile à réussir, quoiqu’il n’eût pas le don de plaire. Je n’ai nul dessein de le suivre dans les nombreuses questions politiques ou administratives qu’il eut à débattre ; c’est l’homme que je veux peindre, non l’histoire du temps que je raconte. Je ne m’arrêterai que sur deux affaires spéciales, grandes parmi les grandes, et qui ont de plus ce caractère remarquable, que la nécessité ne les imposa point à sir Robert Peel, et qu’au lieu de les éviter, comme il l’aurait pu, il les fit, pour ainsi dire, naître lui-même, par un acte de sa propre volonté, et dans des vues de bien public autant que pour la satisfaction de sa pensée et la gloire de son nom.

En 1833, un bill proposé par lord Althorp, alors chancelier de l’échiquier, avait maintenu la banque d’Angleterre en possession de sa constitution et de ses privilèges jusqu’en 1855, sous cette réserve qu’avant l’expiration de ce terme et au bout de dix ans le parlement serait en droit de réviser la charte de la banque et d’y apporter les modifications qu’il jugerait convenables. Les dix ans étaient expirés ; le 6 mai 1844, sir Robert Peel proposa, avec quelque solennité, la révision de la charte de la banque, « Il y a, dit-il,