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il espérait contre toute espérance. Ah ! si elle se réveillait, quel amour il lui garderait encore! Mais non, rien, rien! la nuit, le silence et l’horreur de la solitude ! Souvent alors, saisi d’une vraie colère, il secouait violemment cette âme engourdie, et d’une main irritée il s’efforçait de faire vibrer ces cordes mortes. Rien, rien, rien qui répondît jamais à ces appels passionnés. Etrangère à toute émotion, la calme, la froide Olivia demeurait elle-même, indifférente et bienveillante, et tout effort venait se briser contre sa douce inertie.

Elle pardonnait à Maxime cette exaltation douloureuse; mais tout entretien avec son mari lui devenait difficile et pénible. Un jour, comme il arrivait auprès d’elle plus troublé que jamais, elle trahit quelque chose de son déplaisir, et posa son livre sur ses genoux avec une sorte de résignation polie. — Écoutez-moi, lui dit-il avec une extrême véhémence. — La dureté impérieuse de ces paroles la blessa; elle se leva pour sortir, et lui, dans sa colère, il s’oublia jusqu’à lui saisir les poignets très rudement, et de force il la retint devant lui. Olivia se dressa avec terreur et poussa un grand cri; bientôt la porte s’ouvrit, et Maxime vit arriver sir John et miss Sarah, puis la tante Osborne. Olivia se leva, et leur montrant ses poignets rougis : — Voilà comme cet Italien m’a traitée!... dit-elle. Sir John offrit son bras à sa fille silencieusement, et s’éloigna avec elle triste et digne. Miss Osborne, passant devant Maxime, lui jeta un regard de haine implacable. En ce moment, Olivia et miss Osborne se ressemblaient comme deux sœurs jumelles. Maxime, profondément triste, se retira tout à fait chez lui.

Pas une démarche de réconciliation ne fut faite auprès de lui par Olivia. Elle et miss Osborne ne pardonnaient pas. En les voyant si irritées, le bon Girolet crut un jour les apaiser en leur disant : — Soyez-lui indulgentes, voilà déjà longtemps que je suis très inquiet de sa santé; bien des folies n’ont pas eu de symptômes plus graves. — Parlait-il sincèrement, ou n’était-ce que par obligeance? Quoi qu’il en soit, cette idée du docteur fit son chemin. Toutes les paroles, toutes les actions de Maxime furent étudiées, observées, comparées dans cet esprit de prévention. Les moindres faits prenaient une importance extraordinaire. Au salon, à chaque instant, les parens, les amis échangeaient des regards rapides comme entre complices; tout était interprété contre lui : sa mélancolie persistante, sa sauvagerie, ses longues courses, ses nuits passées au piano. Il cherchait dans l’art l’unique consolation; mais cet amour ne lui suffisait plus. Il exaltait l’imagination, mais sans fortifier l’âme. Les joies fugitives qu’il y trouvait étaient trop chèrement payées par la perte de cette énergie virile sans laquelle il n’est pas plus d’indépendance réelle pour les individus que pour les peuples.

En même temps qu’il fuyait les relations mondaines, il se