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connus sur les bords du Tessin. Les ténébreux conspirateurs qu’il avait rencontrés à Malte ne ressemblaient pas davantage à ses braves compagnons d’armes de Pastrengo et de Volta. L’Angleterre et l’Italie de sa jeunesse et de ses rêves avaient disparu, et Maxime se retrouvait en face de deux pays nouveaux, condamné à ne pouvoir aimer l’un et à désespérer de l’autre.


IV.

Sir John avait enfin gagné son interminable procès, et sa grande fortune se trouvait à peu près doublée ; mais pendant ces deux années de repos Olivia s’était fait des habitudes à Saint-Alban : elle n’était plus disposée à courir le monde avec son père, et sir John, bien à contre-cœur, dut renoncer à ses voyages lointains. Il ne prit cependant pas racine à sa maison de campagne. On le rencontrait partout sur les routes, à toutes les courses, dans les grandes chasses, en Irlande, en Écosse. Il entraînait avec lui son gendre, et Maxime se laissait enlever sans déplaisir, espérant dompter ainsi les inquiétudes de l’esprit par une grande activité physique. Leurs absences se prolongeaient souvent pendant quelques semaines ; à la première chasse d’automne, Maxime resta près d’un mois hors de Saint-Alban, et, s’adressant à lui-même de grands reproches pour ses absences, à son retour il en témoigna tous ses regrets à Olivia. Olivia l’écoutait avec surprise. — C’est une coquetterie de femme, se dit tout d’abord Maxime avec une vraie fatuité de mari. Il n’en était rien ; Olivia était trop fière pour ruser, et d’ailleurs elle n’avait rien à feindre. Elle voyait toujours Maxime avec un très grand plaisir, mais il ne lui était pas nécessaire à ce point qu’elle souffrît cruellement de son absence. Elle paraissait déjà parfaitement habituée à le voir mener au dehors une vie très active dont elle n’avait pas à s’inquiéter. Elle, de son côté, s’était fait une vie très occupée en toilettes, en visites, en lectures, en écritures, en longs repas. Son père, ses cousins, ses oncles, s’absentaient des mois entiers pour leurs plaisirs ou leurs affaires ; elle ne voyait aucun mal à ce que Maxime fît comme eux. Il lui semblait tout naturel qu’après quatre ans de mariage on se laissât mutuellement une grande liberté.

L’époque des nouvelles élections approchait. La candidature de sir John était combattue par un colonel écossais qui venait d’organiser un meeting hongrois. Sir John se fit offrir la présidence du meeting des partisans de l’Italie. Ses nombreux amis l’accompagnèrent et lui firent un succès. Ferletti se trouvait au bureau comme secrétaire. — Je vous avais bien dit que tôt ou tard nous nous rencontrerions, dit-il à Maxime.

Sir John parla longuement et passionna ses auditeurs, en leur