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On était arrivé à la fin de la semaine. Le docteur Girolet se remit en route pour aller aux nouvelles; il resta trois jours absent, et revint consterné : les Autrichiens étaient devant Milan. Maxime se réveilla en sursaut. Le devoir l’appelait dans la ville assiégée; quelque danger qu’il y eût à tenter ce voyage, il n’y avait pas à hésiter, tout retard était une honte. Olivia et sir John le comprirent comme lui, et l’on fit les préparatifs du départ pour le jour même. Maxime devait monter à cheval à deux heures. A midi, miss Sarah arriva dans le salon, blême, effarée, avec des cris lamentables. Le château était cerné par les manteaux rouges, et l’officier qui les commandait sonnait violemment à la grille avec des menaces terribles, en réclamant le comte Alghiera.

L’officier entra bientôt; il était seul. C’était un vieux Dalmate à barbe grise. Il s’avança vers sir John et lui remit ses papiers. — Moi! vous livrer le comte Alghiera? s’écria sir John, mais vous êtes fou. Mon domicile est inviolable; je me porte caution pour le comte Alghiera, et je vous défie de l’arrêter chez moi. — Puis il menaça l’officier de la colère de son gouvernement, du consul d’Angleterre, des journaux de Londres, du parlement, des meetings. L’impassible Autrichien s’assit, tirant sa montre : — Il me faut une heure pour faire reposer mes chevaux, dit-il. Monsieur le comte Alghiera, je vous donne ce temps pour vos préparatifs.

Sir John était outré de colère et perdait la tête; il voulait armer ses domestiques et soutenir un siège en règle dans son château. Le Dalmate lui répondit froidement : — Le comte Alghiera sera jugé à Milan par un conseil de guerre, et n’oubliez pas que la province est en état de siège; monsieur le comte Alghiera était au service de sa majesté, il a déserté son corps, et j’ai le droit de le faire fusiller sur place comme traître et rebelle. Si un malheur arrive, n’en accusez que vous.

— C’est bien, dit sir John en se maîtrisant, vous pouvez vous retirer.

— Et nous? dit Sarah.

— Que tout soit prêt dans une heure, dit sir John; nous aussi, nous partons.

L’escorte de Maxime s’arrêta à Santa-Croce, et là le prisonnier fut remis dans les mains d’un commissaire. Un hasard singulier le favorisa : comme il était en habit bourgeois, sur une fausse ressemblance de nom il fut placé dans la catégorie des prisonniers civils, et comme tel dirigé sur Milan. Le plus grand désordre régnait dans cette administration restaurée de la veille. A Crema, il y eut une nouvelle méprise au commissariat dans le triage des prisonniers, et Maxime fut envoyé directement à Bergame ; mais avant d’arriver dans cette