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révolution française. En Allemagne comme en France, la révolution française a eu beaucoup d’historiens; parmi les plus récentes études consacrées à la France de 89 et de 92, on peut citer le Club des Jacobins de M. Zinkeisen, et surtout l’ouvrage de M. Dahlmann, résumé vif, rapide, substantiel, où l’auteur, publiciste plutôt que peintre dans ses œuvres précédentes, a su allier l’intérêt du drame à l’élévation de la pensée. Le sujet de M. de Sybel est plus neuf; il s’agit de suivre en Allemagne le contre-coup des événemens de la France. Or M. de Sybel a écrit une œuvre remarquable que l’estime publique place à côté des tableaux de M. Louis Häusser et du major Beitzke. C’est plaisir de voir comme les écrivains de cette jeune école se défient du pédantisme; ils mettent autant de soin à dissimuler leur science que leurs devanciers en mettaient à l’étaler. M. de Sybel n’a négligé aucune source d’informations; on le sent dans le récit même, et non plus comme autrefois dans ces notes, dans ce commentarius perpetuus qui enchaînait la marche de l’auteur. Les historiens allemands renoncent à leur frivolité doctorale; les voilà revenus à la manière antique. Voyez l’Histoire du Schleswig-Holstein, par M. George Waitz; voyez l’Histoire des empereurs de la maison de Franconie, par M. Giesebrecht: que de science et cependant quelles rapides allures! M. Waitz et M. Giesebrecht ont été à leurs débuts les disciples de M. Ranke; aujourd’hui, on peut le dire, ils sont surtout les disciples de l’esprit nouveau qui se déclare.

La faveur qui s’attache à ces publications prouve que l’Allemagne a senti le besoin d’un enseignement pratique : il faut bien que les historiens se décident à écrire, non plus pour les académies, mais pour la nation entière. Avertis par ces symptômes, les philosophes eux-mêmes ont eu recours en mainte occasion à la forme historique. Il y a quelques années, un disciple de l’ancienne école de Hegel, M. Hinrichs, voulut défendre l’idée de la royauté contre les déclamations et les violences. Avant 1848, il eût fait une dissertation dans le goût de l’école, il aurait cherché la formule abstraite de la royauté, la formule de la démocratie, et, rattachant ces formules à l’être et au non-être, à la substance et au phénomène, il aurait construit une démonstration algébrique dont les doctes auraient parlé avec estime et que personne n’aurait lue. En face des exigences de l’esprit nouveau, M. Hinrichs a donné sa démonstration sous la forme d’une philosophie de l’histoire, et cette philosophie de l’histoire est une galerie de figures vivantes. M. Hinrichs passe en revue tous les rois de l’univers, depuis les despotes de l’extrême Orient jusqu’aux rois fonctionnaires de la société occidentale. Si je ne craignais d’employer en un tel sujet une parole peu respectueuse, je dirais qu’il a écrit l’histoire naturelle des monarques. Il établit des groupes, il distingue les genres et les espèces. Ne croyez pas que M. Hinrichs