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prince en lui donnant une de ses filles en mariage (Cléopâtre, fille d’Olympias). Cette union fut célébrée par de grandes fêtes où assistèrent Olympias et Alexandre. De toutes les villes de la Grèce étaient venues des députations pour féliciter le roi de Macédoine. Les plus grands acteurs, les plus célèbres athlètes, devaient figurer aux jeux donnés à cette occasion. On porta en procession dans le théâtre les statues des douze grands dieux. Puis venait une treizième statue, celle de Philippe, qui se laissait ainsi faire son apothéose. Il parut enfin lui-même, entouré de sa famille, vêtu d’une robe blanche, radieux et comme enivré des acclamations de la foule. Tout à coup un de ses gardes du corps, nommé Pausanias, s’approche de lui à l’entrée du théâtre, tire une épée gauloise, la lui enfonce dans la poitrine jusqu’à la garde, et disparaît au milieu de la stupéfaction générale. Un cheval l’attendait à peu de distance du théâtre, et des relais étaient préparés par des complices ; mais en courant il s’embarrassa le pied dans un cep de vigne, trébucha, et deux capitaines macédoniens le tuèrent sur-le-champ. À peine Philippe était-il tombé, qu’un ami de Pausanias, nommé Alexandre le Lyncestien, garde du corps comme lui, présenta le bandeau royal au fils d’Olympias, et le premier poussa le cri de ive le roi Alexandre ! En un moment, Alexandre eut revêtu sa cuirasse, se montra aux gardes, et reçut sans la moindre opposition leur serment de fidélité. Peu de jours après, Alexandre le Lyncestien était généreusement récompensé, tandis que ses deux frères étaient exécutés comme complices de Pausanias. Cléopâtre, la veuve de Philippe, et son fils étaient mis à mort. Philotas, le fils de Parménion, partait précipitamment pour l’Asie. Il eut un court entretien avec son père ; tous les deux, avant que les troupes macédoniennes apprissent la mort de Philippe, assassinèrent Attale, et l’armée d’Asie proclama aussitôt Alexandre.

Tout cela est fort étrange, et ne s’explique guère plus facilement qu’une autre tragédie moderne qui offre avec celle-ci une certaine ressemblance. Pausanias paraît avoir été un vaillant soldat, devenu à peu près fou par suite d’un outrage indicible qu’il avait reçu d’Attale dans une orgie. Il avait demandé justice à Philippe, qui s’était moqué de lui, ou qui, selon quelques auteurs, lui avait offert de l’argent. Déshonoré et déterminé à faire un mauvais coup, il paraît qu’il fut entrepris par Olympias et par différentes personnes, qui lui persuadèrent de faire remonter sa vengeance jusqu’à Philippe. Attale d’ailleurs était en Asie, et Pausanias était pressé et avait soif de sang. On prétend que dans son désespoir il s’était adressé à Alexandre, qui lui aurait répondu par un vers de la Médée d’Euripide :

Le beau-père, le gendre, avec la fiancée.