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difficile de savoir si l’illustre écrivain voulait éloigner de la Grèbe le roi d Macédoine, ou bien s’il s’était laissé séduire par lui pour demander à son profit le rôle d’Agamemnon. À cette époque, le grand roi ne pensait nullement à la Grèce ; il était fort empêché à soumettre l’Égypte révoltée ; et la guerre se faisait sur la frontière de Syrie avec des condottieri grecs que payaient les Perses et les Égyptiens. Que ce projet de conquérir l’Asie-Mineure vînt des Grecs où de Philippe, Philippe l’adopta avec empressement, et s’en fit un prétexte pour demander le titre de généralissime ou plutôt les droits de souverain sur toute la Grèce. Pourtant il ne devait pas les obtenir sans combat. Il y eut une lutte suprême ; courte, mais décisive. La bataille de Cheronée consacra définitivement la suprématie de la Macédoine.

En vingt-trois ans de règne, Philippe avait agrandi et plus que doublé son royaume. Chez ses voisins barbares, qui lui avaient d’abord donné tant d’occupation ; de même que chez les Grecs, toute idée de résistance avait disparu. Au nord comme au midi, il ne voyait plus que des peuples découragés et presque résignés à leur abaissement. Les Athéniens, qui avaient un moment joint leurs armes à celles des Thébains, les avaient déposées humblement aussitôt après la défaite de Chéronèe, et s’efforçaient, par la promptitude de leur soumission, de faire oublier leurs velléités belliqueuses. Philippe avait des troupes nombreuses, aguerries et fidèles ; ses finances étaient en bon état ; il était maître d’ailleurs de puiser dans les trésors des villes qu’il avait vaincues ; et leur marine était à sa disposition. Cette expédition d’Asie, inventée peut-être comme un prétexte à son ambition, devint aussitôt son idée fixe, et il songea sérieusement à tourner toutes ses forces de ce côté. Dès qu’il eut pacifié la Grèce et qu’il l’eut organisée à sa manière, il fit passer en Asie une forte division de son armée sous les ordres d’Attale, son beau-frère, et de Parménion ; et il annonça l’intention de la suivre de près.

Il semblait certain que les soldats qui venaient de vaincre la légion thébaine auraient bon marché des multitudes sans discipline que le grand roi pourrait leur opposer, mais d’un autre côté toute la puissance de Philippe était concentrée en lui-même. Une flèche lancée au hasard pouvait le frapper, et alors, dans les prévisions de tous les politiques du temps, l’anarchie la plus complète devait succéder à l’ordre qu’il avait établi. Dès que la terreur de son nom n’existerait plus, Grecs et Barbares secoueraient le joug. Privés de leur grand capitaine, les Macédoniens allaient retomber au rang qu’ils occupaient autrefois, et ce royaume si redoutable sous le sceptre de Philippe serait infailliblement déchiré par une guerre civile. Rien de plus incertain que l’héritage qu’il laisserait. Fort jeune, Philippe