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ne connaissaient d’autre métier que celui des armes. Pour la plupart, c’étaient des exilés qui n’avaient aucun moyen d’existence. Les dernières révolutions de la Grèce en avaient prodigieusement accru le nombre. Ainsi Thèbes, après avoir soumis une partie de la Béotie, avait violemment expulsé tous les citoyens qui avaient résisté à ses armes. Parfois des villes entières avaient été dépeuplées et leurs habitans forcés de s’expatrier en masse : c’est ce qui était arrivé pour Platée et bien d’autres villes. Lorsque Épaminondas avait rendu la Messénie aux exilés messéniens, il avait fait bien d’autres exilés, en chassant les familles qui, depuis un grand nombre de générations, occupaient ce territoire conquis par Sparte à une époque voisine des temps héroïques. Aux victimes des bouleversemens politiques se joignaient force mauvais sujets, très justement chassés de par les lois. Enfin le goût des aventures entraînait encore dans toute guerre un certain nombre de jeunes gens qui ne trouvaient pas à employer leur activité dans leur patrie. Tous ces hommes louaient leurs services à qui voulait les payer ; la plupart allaient en Asie et se mettaient à la solde de quelque satrape. Le service du grand roi ou de ses ministres passait alors pour mener à la fortune, surtout depuis que quelques soldats de l’armée des dix mille étaient revenus dans leur pays, montrant de beaux dariques gagnés à la pointe de l’épée. Bannis et aventuriers s’organisaient sous la conduite de quelque capitaine en renom qui en trafiquait au plus offrant, comme firent au XIVe et au XVe siècles les condottieri italiens.

Lorsque la guerre éclatait entre deux républiques grecques, sur tout lorsqu’il s’agissait d’expéditions lointaines, beaucoup de citoyens, au lieu de laisser leurs affaires pour, prendre les armes, trouvèrent plus commode de louer les bras de ces gens si amoureux de batailles. On disait que leur sang était moins précieux que celui des citoyens, qu’accoutumés aux armes, ils étaient préférables pour faire la guerre ; enfin qu’on pouvait compter sur leur fidélité, parce que la plupart, prenant parti contre le pays qui les avait exilés, avaient tout à craindre, s’ils se laissaient battre. Xénophon, dans son traité du Commandement de la cavalerie, conseille aux Athéniens, à la vérité d’une manière prudemment obscure, d’enrôler un corps de bannis de Thespies et de Platée pour faire la guerre aux Thébains ; il ne les nomme pas et les désigne seulement par ces mots : « les hommes qui haïssent le plus nos ennemis. » Quelques années plus tard, on y mettait déjà moins de façons, et à la première alarme on levait des mercenaires, au lieu de convoquer les milices nationales. Quelquefois on leur donnait pour chef un général élu par le peuple ; mais souvent on traitait avec un capitaine d’aventure, et on le chargeait de conduire la guerre. Ainsi le moment où la Macédoine allait se présenter