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I. – DU DEFICIT DANS LE BUDGET AUTRICHIEN.

Les finances de l’Autriche sont atteintes du même mal que celles de la plupart des états européens ; mais le mal y est plus invétéré, plus profond, et paraît devoir être plus durable. Quelques mots et quelques chiffres mettront cette situation dans tout son jour.

L’Autriche a passé par deux crises redoutables, l’époque des grandes guerres continentales et la révolution de 1848 : l’une et l’autre lui ont légué les embarras d’une émission excessive de papier-monnaie. La première émission et le premier désarroi des finances autrichiennes remontent au règne de Marie-Thérèse. Après les guerres de notre premier empire, en 1816, le montant du papier-monnaie s’élevait à 678,700,000 florins, c’est-à-dire, en admettant le cours de 2 fr. 50 cent, par florin, à 1,696 millions. Le cours était tombé à 60 pour 100 au-dessous de la valeur nominale. La création de la banque nationale en 1817 eut pour objet de substituer un papier in spirant plus de confiance, celui de la banque elle-même, au papier si déprécié de l’état. Celui-ci fut entièrement retiré de la circulation ; au moyen d’annuités successives payées par l’état, la banque nationale rentra bientôt dans une grande partie de ses avances ; en 1848, elle n’était plus créancière que de 80 ; millions de florins. Les finances autrichiennes étaient améliorées à ce point, que pendant deux an nées le budget se solda par un excédant de recettes, — 20 millions de francs en 1845, et moins de 3 millions seulement en 1846 ; « mais le déficit reparut en 1847 ; il s’élevait alors à 17 millions de francs ; depuis lors, il s’est accru dans une progression que je pourrais dire indéfinie, puisqu’en 1854 et 1855 on ne saurait l’évaluer à moins, de 360 millions de francs par an. L’ensemble de ces déficits successifs n’est pas au-dessous de 1,500 millions de francs. : C’est, comme on s’en doute bien, par une nouvelle émission de papier-monnaie, et aussi par des emprunts qu’on y a pourvu.

Le premier moyen, l’emploi du papier, date de l’époque révolutionnaire. En 1848, le papier-monnaie fut l’unique ressource dont chacun à l’envi usa et abusa : le gouvernement constitutionnel, le gouvernement, insurrectionnel, le dictateur de la Hongrie, les particuliers eux-mêmes à l’instar des pouvoirs publics, chacun battit monnaie avec du papier. On vit des manufacturiers de la Bohême faire du papier pour solder et nourrir leurs ouvriers. À Vienne, faute de petites coupures, on déchira les billets de 1 florin jusqu’en huit morceaux, et chacune de ces fractions indéchiffrables et informes jouit de la faveur du cours forcé. Enfin le gouvernement songea à retirer une fois encore tout ce papier de la circulation, et en confia le soin à la banque. 167 millions de florins de papier-monnaie furent