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égalité, n’existe-t-il aucune maladie intérieure qui puisse l’arrêter dans sa marche, jusque-là si facile ? Les malheurs de la révolution française ont eu pour cause, en même temps que l’accumulation des haines de classe à classe, le désordre invétéré des finances publiques. C’est la découverte de cette plaie si vive qui a déterminé l’explosion de toutes les fureurs et fait aboutir 1789 à 1793. Or l’Autriche n’a pas une très bonne renommée financièrement parlant, et l’on croit généralement que ses affaires sont en mauvais état. À Vienne, l’on ne pense pas sur ce point comme à Paris ; le ministre des finances, M. le baron de Bruck, a su inspirer une confiance qui rappelle celle qu’avait méritée et obtenue Necker. Une brochure, parue il y a quelques mois avec l’assentiment et sous l’inspiration du ministre autrichien, a eu, pour des raisons bien différentes, toute la fortune du Compte-rendu du financier français. En est-elle entièrement digne, et l’optimisme de M. de Bruck est-il complètement justifié ? Les finances de l’Autriche doivent-elles inspirer la défiance qu’elles suscitent hors de l’empire, ou le sentiment tout opposé et peut-être un peu irréfléchi qu’on éprouve à Vienne ? C’est ce qu’il serait sans aucun doute utile d’examiner.

Une étude sur les finances de l’Autriche peut présenter d’ailleurs un intérêt multiple. Avant tout, le sort des réformes intérieures qui datent de 1848 est attaché à une bonne situation financière. Ce n’a pas été, on le verra, sans un grand ébranlement dans le budget de l’état, sans de notables changemens dans le chiffre des dépenses et des recettes, qu’on a pu établir une administration et une justice uniformes dans tout l’empire, abolir les corvées, abattre les barrières des douanes intérieures, modifier les tarifs pour l’introduction des marchandises étrangères, etc. Pour se consolider et s’étendre, ces réformes intérieures, conquêtes de l’esprit nouveau qui a pénétré, qui prévaut dans cette Autriche naguère si étroitement fermée à son invasion, ont besoin que l’équilibre du budget dérangé par elles se rétablisse, et que la fortune publique s’améliore. L’intérêt financier se mêle donc ici à tous les intérêts nationaux, et étudier l’un, c’est connaître le sort réservé aux autres ; mais ce n’est pas tout, et il y a encore de nouvelles lumières à tirer d’une telle recherche. La situation des finances autrichiennes au moment où la guerre d’Orient a éclaté explique en effet mieux que tout autre motif politique la conduite du gouvernement de l’empereur François-Joseph dans les dernières complications européennes. Pourquoi tout d’abord de grands arméniens aboutissant à une inaction forcée ? pourquoi ensuite, à côté d’une attitude diplomatique plus décidée, un désarmement intempestif contredit bientôt par la résolution hardie qui a entraîné les volontés de la Russie, et qui a été peut-être, autant que l’effort décisif d’une grande puissance à bout de menagemens,