Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/343

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il court, malgré sa résolution, dans les bras de sa femme ; il fléchit le genou devant sa mère. Il avait appelé les chefs volsques pour les rendre témoins de ses refus, et devant eux il accorde tout et pleure. De retour à Corioles, un mot insultant d’Aufidius le rend furieux et le précipite sur les poignards. Vices et vertus, gloire et misères, grandeurs et faiblesses, la passion sans frein qui fait son être lui a tout donné.

Si la vie de Coriolan est l’histoire d’un tempérament, celle de Macbeth est le récit d’une monomanie. La prédiction des sorcières s’est enfoncée dans son esprit, du premier coup, comme une idée fixe. Peu à peu cette idée corrompt les autres, et transforme tout l’homme. Il en est hanté ; il oublie les thanes qui sont autour de lui et qui l’attendent, il aperçoit déjà dans le lointain un chaos indistinct de visions sanglantes.

Pourquoi est-ce que je cède à cette tentation — dont l’horrible image dresse mes cheveux, — et fait choquer mon cœur contre mes côtes ?… — Ma pensée, où le meurtre n’est encore qu’imaginaire, — ébranle tellement mon pauvre être d’homme, que l’action — y est étouffée dans l’attente, et que rien n’est — que ce qui n’est pas !


Ce langage est celui de l’hallucination. Celle de Macbeth devient complète, quand sa femme l’a décidé à l’assassinat. Il voit dans l’air une dague tachée des sang « aussi palpable de forme que celle qu’il tire de sa ceinture. » Tout son cerveau s’emplit alors de fantômes, grandioses et terribles, que n’eût point enfantés l’imagination d’un meurtrier vulgaire, dont la poésie indique un cœur généreux, esclave de la fatalité et capable de remords.


Maintenant sur la moitié du monde — la nature semble morte, et les mauvais rêves viennent abuser — le sommeil sous ses rideaux. Maintenant les sorciers célèbrent — les sacrifices de la pâle Hécate, et le meurtre au front flétri, — - éveillé par sa sentinelle, le loup, — dont le hurlement lui dit l’heure, se glisse, de ce pas furtif, — vers son dessein, comme un spectre, (une cloche tinte. ) — J’y vais ; le coup est fait. La cloche m’appelle. — Ne l’entends pas, Duncan, car c’est un glas — qui t’appelle au ciel ou à l’enfer.


Il a fait l’action, et revient chancelant, hagard, comme : un homme ivre. Il a horreur de ses mains pleines de sang, de ses mains de bourreau. Rien ne les lavera maintenant, La mer entière passerait sur elles qu’elles garderaient la couleur du meurtre. « Ah ! ces mains ! elles m’arrachent les yeux. » Il se frappe d’un mot qu’ont prononcé les chambellans endormis ; ils ont dit amen. « Pourquoi n’ai-je pas pu dire ce mot après eux ? Pourquoi n’ai-je pu dire amen ? J’avais tant besoin d’être béni, et amen s’est arrêté dans ma gorge. » Là-dessus un rêve étrange, une prévision affreuse du châtiment s’est