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mais elle était beaucoup moins explicite que tu ne parais le croire. Avant de me livrer aux élans de ma tendresse paternelle, tu dois comprendre, chère Anifé que je désire être certain de ne rien faire de contraire à la loi.

— Il me semble, repartit Osman, que tu peux sans crainte suivre la route que mon oncle t’a tracée, et qu’il suit lui-même. Puisque mon oncle traite et considère cet enfant comme le tien, c’est sans doute qu’il a de bonnes raisons pour cela, des raisons légales et sans réplique. Du reste, si mon oncle ne s’est pas adressé aux tribunaux pour faire constater l’état de ton fils, c’est d’abord parce qu’il a pensé que cela n’était pas nécessaire, et puis encore pour ne pas attirer sur des personnes qui te tiennent de près le blâme du monde et la vengeance des lois ; mais si tu fais la moindre difficulté de reconnaître ton enfant, mon oncle laissera de côté toute considération pour les coupables et fera sur-le-champ ce qu’il a évité de faire jusqu’ici. Je suis chargé de lui rendre un compte exact de tes dispositions et de tes résolutions envers ton enfant, et puisque tu désires une enquête légale à ce sujet, je vais écrire immédiatement.

— Mais non, mais non ! s’écria Ismaïl, c’est inutile ; je vois maintenant comment les choses se sont passées… C’est tout ce que je voulais… certainement…

— Mais si tu conserves quelques doutes,… reprit Osman.

— Pourquoi en conserverais-je ?

— C’est qu’Anifé ne peut pas attendre indéfiniment que ta conviction se forme et que l’on cœur s’ouvre pour son enfant. D’ailleurs mon oncle m’a tant recommandé de bien l’informer…

— Mon cœur est tout ouvert pour ce cher enfant comme pour sa mère, interrompit gracieusement Ismaïl.

Et il prit un bon moyen pour couper court à toute discussion. Il attira le petit Ismaïl sur ses genoux, et dit en le contemplant avec un doux sourire : — Il est singulièrement fort pour son âge, et je crois en effet qu’il a quelque chose de moi dans les yeux.

En ce moment, Anifé trouva Ismaïl presque beau ; elle leva un regard de triomphe sur Osman. Sa résolution était prise. Le but de son voyage lui parut atteint.

À partir de ce jour, Anifé suivit fidèlement le plan qu’elle s’était tracé. Elle soigna la santé chancelante d’Ismaïl et le servit avec tendresse, s’appliquant à le distraire et à l’amuser quand il rentrait de mauvaise humeur, ne le contredisant jamais, ne s’accordant pas une seule fois la satisfaction, jadis si douce, de lui faire sentir ses propres défauts. Elle se rappelait les premières leçons maternelles, mais elle ne les mettait plus en pratique que pour faire plaisir à Ismaïl, et non pour établir son empire sur lui. Hélas ! l’établissement de cet