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pas le pouvoir d’empêcher, que l’autorité publique se compromettait beaucoup moins en réformant une loi vicieuse qu’en en tolérant l’infraction. En conséquence, le premier consul abandonnait ses projets de poursuites contre les spéculateurs à la baisse et les marchés à terme ; il se contentait de constituer une corporation, celle des agens de change dont les membres, en nombre limité, serviraient d’intermédiaires dans les opérations de la Bourse, et il la soumit, en tant que privilégiée, à un cautionnement[1]. Jusque-là c’était une industrie libre sous la seule condition de la patente. Il donna immédiatement aux deux autres consuls l’ordre de lui présenter un projet dans ce sens. Il annonça aussi l’intention de doter plus richement la caisse d’amortissement et d’en fortifier l’influence.

Peu de jours après, M. Mollien était rappelé à la Malmaison. Le premier consul avait tracé un cadre plus large à la caisse d’amortissement. Indépendamment des ressources qui lui étaient déjà dévolues, elle devait disposer des cautionnemens que fourniraient les agens de change. Le produit des coupes des bois communaux devait lui être versé en dépôt, de même que celui de la vente des effets militaires et des approvisionnemens de siège devenus inutiles dans les places fortes. Elle dut effectuer une opération délicate, celle de la liquidation des titres dits bons des deux tiers, qu’on avait remis aux créanciers de l’état en retour des deux tiers de la dette publique, pour lesquels, sous le directoire, le service des intérêts avait été supprimé. Son capital du même être accru en vertu de lois successives, dont les plus importantes sont celles du 30 ventôse an IX (21 mars 1801) et du. 21 floréal an XI (11 mai 1803) ; elle dut recevoir 70 millions en sept années, à raison de 10 millions par an, sur le produit de la vente des biens nationaux ; on lui réservait aussi, à partir de l’an XII, le revenu net des postes aux lettres. Elle ne reçut cependant pas ce qu’il y avait de plus liquide et de plus immédiat dans toutes les valeurs qui lui étaient attribuées, les cautionnemens des agens de change : elle dut troquer cette somme contre des valeurs à réaliser. Enfin il fut statué que toute augmentation de la dette publique au-delà de 50 millions de rentes ne pourrait avoir lieu sans qu’il y fût affecté un fonds suffisant pour l’amortir en quinze ans.

Le projet de règlement avait été préparé par l’un des deux autres consuls (M. Mollien ne dit pas lequel). Le rédacteur, qui s’inquiétait de l’attention extrême que le premier consul avait prêtée à M. Mollien, y avait introduit des dispositions évidemment dictées par le désir de s’amoindrir. M. Mollien ne pouvait avoir aucun doute

  1. Ce cautionnement, individuel pour chaque agent de change, fut d’abord fixé à 60,000 francs. Quelques années après, par la loi de finances de l’an XIII (1804), on le porta à 100,000 francs.