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Une autre conséquence, qui ressort des mêmes prémisses, c’est celle-ci : le travail, étant le promoteur de la richesse, a droit au plus grand respect, au plus grands ménagemens, de la part des pouvoir publics. Il faut lui laisser toute sa spontanéité, tout le ressort que peut lui donner l’esprit d’entreprise individuelle ou collective.

Sans pousser plus loin ici l’analyse des idées dont Adam Smith a été l’habile et sage interprète, quand il ne les à pas puisées en lui-même, je ferai seulement cette observation, que ces idées étaient en si parfait accord avec les principes de 89, qu’on vit les premiers législateurs de la révolution française se les approprier aussitôt, comme si c’eût été leur bien propre. Ainsi l’assemblée constituante s’empressa d’abolir le système réglementaire formulé par les corporations, les maîtrises et les jurandes, et par les règlemens de fabrication, et de donner pour base à l’organisation industrielle l’esprit d’entreprise individuelle et, le principe de la concurrence. Quand il s’agit de déterminer la politique, commerciale que suivrait la France à l’égard de l’étranger, la même assemblée adopta un tarif de douanes qui était fort peu restrictif, beaucoup moins que le tarif actuel des douanes françaises par exemple, et qui notamment laissait libre l’importation de la plupart des matières premières et des denrées de consommation usuelle. Déjà, au surplus, Turgot avait supprimé les maîtrises et les jurandes par un édit que le gouvernement avait commis la faute de révoquer dès que cet illustre homme d’état eut quitté le pouvoir. De même, et aussi à la voix de Turgot, le principe de la libre circulation des grains avait été posé avant 1789. À l’égard des impôts, l’assemblée constituante, dans un document qui mérite d’être cité par l’histoire, la déclaration du 4 juin 1791, a tracé un système qu’elle s’est proposé surtout de rendre conforme aux principes de liberté et d’égalité, et cette déclaration, dont les traits généraux se rapprochent pour la plupart de la doctrine d’Adam Smith, est le point de départ de la constitution financière de la France actuelle.

M. Mollien puisa dans la Richesse des Nations, expliquée et commentée par son voyage en Angleterre, un ensemble d’idées dont il avait le pressentiment inné. On remarque, en lisant ses Mémoires, qu’il en retira surtout un sentiment très profond du respect de la propriété. Je ne crois pas qu’on puisse citer un autre ouvrage où ce sentiment soit plus nettement empreint et développé d’une manière plus heureuse. Comme l’auteur est placé naturellement au point de vue de l’administration des finances, il exprime avec une grande force les devoirs que le gouvernement doit observer envers la propriété, soit qu’il s’agisse d’établir ou de recevoir l’impôt, soit