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taxes, n’agit que comme un associé admis au partage des revenus en proportion du contingent de services qu’à fournit lui-même. En d’autres termes, l’impôt n’a sa raison d’être que dans l’utilité publique de l’emploi qu’on en fait, et il a sa mesure sacramentelle dans ce qui est strictement nécessaire pour payer honnêtement les services dont la communauté a profité, ou pour rembourser les avances qu’elle a reçues.

Selon elle encore, l’état, tout placé qu’il est dans une sphère supérieure, n’occupe cependant pas une sorte d’olympe où il puisse se soustraire aux lois tracées à l’homme pour la distinction du bien et du mal. Il n’y a pas deux sortes de probité, l’une à l’usage des particuliers, l’autre pour la convenance propre de l’état. Un gouvernement est tenu de faire honneur à ses engagemens et de respecter sa parole, en matière de contrats et de marchés comme partout, avec la même ponctualité et dans la même plénitude que les simples citoyens. L’échéance venue, s’il atermoie, il est dans le même cas que le particulier qui suspend ses paiemens et se met en faillite. Si, la somme une fois convenue, il la réduit arbitrairement et de vive force, il commet, sous une autre forme, le même acte pour lequel les individus sont traduits devant les tribunaux sous la prévention de s’être emparés du bien d’autrui.

Un des plus grands services qu’Adam Smith ait rendus a été de montrer en quoi consiste véritablement la richesse de la société. Avant lui, la notion qui avait cours et qui dominait faisait résider la richesse des nations dans le montant de la masse d’or et d’argent qu’elles possèdent. De là, par une déduction toute naturelle, il suivait que la richesse d’un peuple ne diminue pas, pourvu qu’il ne sorte pas un écu de chez lui, ce qui conduisait à penser que le genre et la quotité de l’impôt sont des circonstances indifférentes au point de vue de la richesse collective de la société, de même ; au surplus, que l’abondance ou la rareté des matières premières et des produits. Dans ce système en effet, du moment qu’il ne s’en irait pas une pièce d’or ou d’argent, la richesse du pays resterait absolument la même. Doctrine étrange, dont le moindre raisonnement fait justice, car qu’est-ce que la monnaie, sinon un instrument d’échange, un mécanisme servant à opérer la transmission de la richesse d’une main à une autre, une chose faisant partie de la richesse, comme toutes les marchandises servant aux besoins des hommes, tels que les approvisionnemens de denrées ou de productions manufacturières, ou de métaux quelconques, ou, mieux encore, les machines et les appareils employés dans les arts industriels ? Sophisme dangereux, qui, s’il était admis, obligerait à croire que le plus ou moins de perfection des procédés de l’ensemble des branches de l’industrie