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qu’avec une dotation d’une importance médiocre à l’origine, on parvient à amortir la totalité d’une dette. Les calculs que présentait Price ; l’exemple qu’il citait de la somme énorme qu’aurait value à la fin du XVIIIe siècle la simple somme d’un sou placée à intérêts composés au commencement de l’ère chrétienne, furent comme une révélation pour les hommes d’état de tous les pays où il y avait une grosse dette publique. Il sembla dès-lors que le fardeau des emprunts ne fût plus qu’un jeu. Pitt, qui était sous le charme, ou qui profitait de ce que le parlement s’y trouvait, prit la détermination d’user désormais de l’emprunt sans scrupule, et l’enthousiasmé pour l’amortissement se répandit en France comme ailleurs.

Dans l’état où étaient réduites les finances françaises, quand le déficit était permanent et semblait irrémédiable, pouvait-on songer à amortir ? Sur quelles bases fonder solidement l’institution même, et quelles ressources lui garantir ? M. Mollien était persuadé que le problème, pour être difficile, n’était pas insoluble. Il proposa à M. de Calonne un projet raisonnable ; mais le contrôleur-général, en voulant y apporter ce qu’il prenait pour des perfectionnemens, le modifia de manière à le rendre impraticable. Au reste, ce projet ne devait pas voir le jour. Fort peu de temps après, M. de Calonne quitta les affaires.

Le cardinal de Brienne accumula tous les genres de fautes en matière de finances comme en politique. M. Mollien paraît n’avoir eu avec lui aucuns rapports personnels qui soient dignes d’être cités. Le ministre, dans les tentatives qu’il fit auprès des privilégiés pour obtenir d’eux quelque secours en faveur de l’état obéré, les trouva plus inflexibles que jamais dans leur résistance. L’épiscopat, réuni en assemblée spéciale, alla jusqu’à refuser un subside de 1,800,000 fr. ; à moins de trois ans de là, il en portait durement la peine, avec le reste du clergé, qui était étranger à ce scandale : tous les biens du clergé, montant à plusieurs milliards, étaient saisis par la nation. Le désordre éclatant de toutes parts dans le royaume, Brienne fut renvoyé, à la satisfaction générale, le 25 août 1788. Quelques jours auparavant, un arrêt du conseil avait fixé au 1er mai suivant la réunion des états-généraux. Ce fut Necker qui remplaça le cardinal à la tête de l’administration des finances et comme premier ministre de fait ; mais dès ce moment le sort en était jeté, la royauté française allait succomber. Le roi lui-même était voué à monter sur l’échafaud, en vertu d’un arrêt inique où il trouva au moins une occasion de se réhabiliter devant l’histoire, qui exige chez les souverains des qualités éminentes, car il montra dans ce moment suprême un admirable courage ; il sut mourir en roi très chrétien.

Dès la réunion des états-généraux et même auparavant, M. Mollien,